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placé sous ses ordres. On vit bien quelques-uns des jeunes officiers que l’espoir des combats avait attirés sur nos vaisseaux chercher d’autres embarquemens. Avides de mouvement et de nouveauté, ils passèrent sur les frégates et les petits navires qui, Pour la protection de notre commerce, entreprenaient de lointaines campagnes. Ils furent remplacés par des officiers d’un âge plus mûr, qui ne demandaient plus au service de la mer de vives émotions, mais y apportaient le sérieux de l’expérience. Ces hommes, par cela seul qu’ils étaient moins jeunes, étaient mieux faits pour comprendre et pratiquer ce dévouement modeste envers le pays, dont la tâche devait être de maintenir, pour le jour du danger, notre escadre dans sa forte et permanente organisation. Ils étaient mieux faits pour se pénétrer de cette pensée, que conserver c’est améliorer, et, fidèles à l’exemple qui leur était donné par leurs chefs, ils mirent leur honneur à respecter dans toutes ses parties, et jusque dans ses moindres détails, l’œuvre de M. l’amiral Lalande. Le personnel des matelots, s’il fut réduit, ne changea pas d’esprit. Il resta ce qu’il avait été jusqu’alors, content de son sort, soumis et affectionné à ses chefs, et leur rendant facile, par son bon vouloir, la tâche de son éducation militaire. Nulle altération dans la discipline ; j’ai dit sur quels principes elle reposait : il n’était rien survenu qui pût en affaiblir l’autorité.

Il faut pourtant en convenir, un mal que l’escadre n’avait pas connu dans les deux années précédentes était devenu à craindre pour elle : c’était l’ennui, ce grand ennemi de tous les hommes et particulièrement des matelots dans le port. Il n’y avait plus pour les esprits la puissante distraction d’une guerre imminente, et il était difficile de rien trouver qui la remplaçât. Toute l’attention de l’amiral dut se tourner vers le soin de prévenir ce mal cruel, et le principal remède qu’il employa pour le combattre fut de tenir ses équipages en haleine par une continuité d’occupations et d’exercices divers qui ne laissassent aucune place à l’oisiveté ; puis l’amiral Hugon sollicita et obtint du gouvernement l’autorisation de sortir avec l’escadre pour s’exercer à la mer et empêcher l’épée de se rouiller par un trop long séjour dans le fourreau.

Il existe près de Toulon un beau bassin, assez étendu pour y faire manœuvrer toute une flotte ; ce vaste espace de mer, abrité des vents du large par la chaîne des îles d’Hyères, est le champ de manœuvre le plus commode pour former et instruire une escadre. Ce fut là que l’on conduisit d’abord notre flotte, alors que l’état de nos relations avec le reste de l’Europe ne nous permettait pas de courir les eaux étrangères sans nous exposer à des rencontres où la susceptibilité eût pu nous faire oublier les lois de la prudence. L’escadre vint jeter l’ancre au mouillage des Salines, en face de cette ville d’Hyères jetée d’une façon