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fortifier chez l’amiral la résolution, qu’il trouvait dans son esprit et dans son cœur, de suivre la ligne de conduite qui lui était tracée par l’intérêt de la France. C’est la manière dont cette influence de notre escadre s’est exercée, ce sont les résultats qu’elle a poursuivis et obtenus, que nous allons maintenant raconter.

À peine arrivée sur les côtes d’Italie, l’escadre y reconnut les tristes conséquences de la révolution qui s’était accomplie à Paris. Dès le lendemain du 24 février, le mouvement libéral, qui se préparait depuis long-temps, avait éclaté sur tous les points de la péninsule. Les hommes honorables et modérés, les vrais patriotes qui avaient travaillé à opérer ce mouvement pour secouer le joug étranger et doter leur pays d’institutions libres, avaient compté sur l’appui sage de la France monarchique et constitutionnelle. Cet appui leur manquant, ils ne voulurent voir dans les triomphateurs et les gouvernans de Paris que des fauteurs de désordre ou des conquérans sans scrupules. Aussi, dès l’abord, le mot si répété du roi Charles-Albert : Italia farà da se, ce mot qui semble être l’expression d’une confiance présomptueuse, fut-il dicté surtout par la défiance que la république française inspirait au parti libéral en Italie. Si notre gouvernement eût racheté ses torts révolutionnaires par une politique ferme et décidée, qui eût confondu sa cause avec la cause italienne, les sympathies lui seraient certainement revenues ; mais on voyait que la France, avec sa révolution stérile et impuissante, agiterait l’Italie sans la sauver, qu’elle déserterait sa politique séculaire en laissant le champ libre aux armes de l’Autriche ; on ne compta plus sur elle ; pour parler plus juste, il n’y eut que la lie révolutionnaire des villes italiennes qui resta en fraternité avec les héros de nos émeutes et de nos clubs. Aussi, lorsque notre escadre se présenta sur les côtes de Gênes et de la Spezzia, fut-elle accueillie avec une froideur qui contrastait étrangement avec la sympathie qu’on lui témoignait un an auparavant. À Livourne au contraire, où régnait dès-lors une démagogie ignoble et turbulente, nos officiers eurent à subir la honte d’être confondus avec les vainqueurs de février, et ils furent obligés de se dérober par un prompt départ à des ovations qui les faisaient rougir.

L’escadre fit voile vers Naples ; elle se fût arrêtée devant Civita-Vecchia, si ce mouillage eût été accessible aux grands navires. Il y avait là à remplir une tâche digne d’elle : elle avait à seconder de toute son influence les efforts que faisait dès lors un homme d’une grande intelligence et d’un grand cœur, pour contenir le mouvement accompli à Rome dans ces limites de modération et d’équité au-delà desquelles les révolutions les mieux justifiées n’enfantent plus que des crimes et des malheurs. À cette époque, la république de M. Mazzini n’avait pas encore levé la tête ; mais M. Rossi, qui la voyait venir, était résolu à la