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comptant 10,000 mètres de parcours sur un terrain plan, la pente a dû être d’un centième environ; ainsi les travaux de terrassement n’auront sans doute pas exigé de grands frais. Ce chemin permet actuellement de transporter à Lima les cargaisons étrangères avec économie et célérité. — Presque tout le commerce extérieur se concentre à Callao; son importance est par année, en moyenne, d’environ 25 à 40 millions de francs; les produits des mines entrent pour moitié dans cette somme.

Le Pérou ne peut pas prétendre à devenir par lui-même une puissance maritime : il n’a ni bois ni chantiers nationaux; les navires qu’il achète pour ses besoins sont la plupart du temps des navires fatigués et incapables d’entreprendre une nouvelle navigation d’Europe. Les États-Unis lui ont cependant fourni un fort beau bateau à vapeur de 200 chevaux, nommé el Rimac, destiné à surveiller la côte, où souvent des opérations de commerce interlope viennent amoindrir les bénéfices du trésor. Ce bâtiment peut servir surtout à réprimer les tentatives de révolte que les chefs de parti voudraient fomenter dans les centres d’un difficile accès pour les navires à voiles. Un corps expéditionnaire ne pouvait guère toucher Aréquipa, cette ville si souvent troublée par les meneurs anarchiques, qu’au bout de vingt-cinq ou trente jours : le Rimac peut actuellement y jeter en cinq ou six jouis les forces nécessaires pour déjouer les plans séditieux. Ce bateau à vapeur, deux ou trois bricks et quelques goélettes constituent toutes les forces navales péruviennes. Les forces de terre se composent d’une garde nationale et d’une armée de trois mille hommes environ, mal commandée et en disproportion avec les ressources du trésor public.

On s’afflige de ce singulier contraste entre les richesses si variées du sol péruvien et l’essor si limité encore de l’industrie nationale. Ce n’est cependant que par une énergique impulsion donnée à cette industrie au berceau qu’on assurera au pays le calme nécessaire pour son développement intellectuel. Il y a au Pérou un goût marqué pour les lettres et les arts qui ne demande qu’un peu de sécurité pour se développer, et qui çà et là se manifeste avec une certaine distinction soit dans les livres, soit dans les journaux de la république. Les journaux liméniens, au nombre de deux ou trois, sont surtout intéressans par leurs remitidos, où se révèlent, avec une complète liberté, toutes les bizarreries du caractère national. Les remitidos, mélanges de faits et d’anecdotes locales, tiennent quelquefois la moitié du journal. Annonces grotesques, correspondances intimes, révélations scandaleuses se pressent et se croisent dans les remitidos. Un mari outragé y raconte ses infortunes conjugales et en appelle au jugement du public. La femme, à son tour, prenant sa plume la mieux affilée, prouve très éloquemment que son mari est un vaurien et qu’elle est une Lucrèce. Un intrus se jette parfois dans cette polémique de ménage, et prend