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— Tais-toi ! balbutia-t-elle, suffoquée malgré elle ; il ne faut pas avoir peur… il ne faut pas pleurer…

— Qu’as-tu, Josse, qu’as-tu ? répétait l’enfant, qui lui tenait la tête à deux mains et baisait ses joues humides.

— Ce… n’est rien…, reprit Josèphe, dont l’accent démentait les paroles ; j’ai été surprise…

— Les hommes sont partis ? demanda Francine, qui regardait avec épouvante du côté de la fosse.

— Tu le vois, répondit Josèphe en frissonnant.

— Que venaient-ils faire ici ? Ils portaient quelque chose. C’était un mort, n’est-ce pas ?

Sa sœur lui mit la main sur les lèvres : — Ne parle pas de ça, Zine, murmura-t-elle, reprise par les sanglots.

— Tu l’as vu ? demanda l’enfant avec une curiosité épouvantée.

— Oui, mon Dieu, bégaya la sœur…. et…. je l’ai reconnu…. C’est M. Gabriel !

— Ton bon ami ! s’écria Francine… Tu es bien sûre, Josse ? Et il est là… sous la terre ?… Oh ! allons-nous-en, j’ai peur, j’ai peur !

Elle s’était rejetée dans les bras de sa sœur, qui s’efforça de la rassurer et de se rendre maîtresse de ses propres larmes.

— La paix, Zine ! lui dit-elle d’une voix entrecoupée…. Il faut être tranquille, il faut essuyer nos yeux… ou la mère sera inquiète.

Et, se redressant subitement : — Écoute ! ajouta-t-elle ; il me semble qu’on nous a appelées… Vite, vite, remontons.

Les deux petites filles se relevèrent à ces mots, et, sortant de la ravine, regagnèrent précipitamment la plate-forme, où elles arrivèrent tremblantes et essoufflées.

Geneviève les y attendait ; mais la nuit, qui commençait, l’empêcha de remarquer leur trouble. Elle les prit par la main pour rentrer, leur fit faire la prière en commun, et toutes deux se couchèrent sans avoir parlé de l’aventure du ravin.


III.

Josèphe dormit mal ; le lendemain, lorsqu’elle se leva, elle était pâle et brisée. Geneviève, qui s’en aperçut, l’interrogea avec une sollicitude inquiète ; mais l’enfant répondit qu’elle n’avait rien. Seulement, à chaque question, ses yeux se remplissaient de larmes, et sa voix tremblait. Le jour se passa ainsi pour elle dans la langueur. Le soir, elle se trouva plus abattue, quoique toujours sans souffrance ; la nuit fut agitée, et le lendemain Repars fit demander le chirurgien du lazaret.

Celui-ci examina l’enfant et fit plusieurs questions qui