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avaient déjà le commandement de la flotte de la Méditerranée et celui de l’armée du Rhin.

M. de Longueville avait à poursuivre le grand objet que se proposait le cabinet français depuis Henri IV, l’affaiblissement de l’empire au profit de la France. C’est dans ce dessein que le roi très chrétien, le cardinal Richelieu et le cardinal Mazarin avaient été vus s’alliant au protestant Gustave-Adolphe, l’attirant dans le cœur de l’Allemagne, lui et après lui ses lieutenans, et soutenant la Hollande protestante contre la catholique Espagne. Cette lutte, qui parut avec tant d’éclat sur les champs de bataille pendant trente années, eut lieu aussi pendant plus de douze ans à Osnabrük et à Munster. D’un côté étaient l’Autriche, l’Espagne, la Bavière, avec les électeurs ecclésiastiques de Mayence et de Cologne ; de l’autre, les puissances protestantes, le Brandebourg, la Saxe, la Hesse, avec leurs alliés, la Hollande, la Suède et la France. Le parti protestant voulait obtenir le plus de concessions, et le parti catholique en faire le moins possible. On avançait et on reculait selon les vicissitudes de la guerre. Dès l’année 1640, Richelieu avait désigné l’homme qui avait toute sa confiance, Mazarin, et le comte d’Avaux, de la puissante famille parlementaire des de Mesme, pour représenter la France à Munster. Quand Mazarin succéda à Richelieu dans le ministère, il nomma à sa place le comte Abel Servien, gendre de l’habile et judicieux Lyonne, qui lui était ce qu’il avait été lui-même à Richelieu. Il maintint d’Avaux, qui avait de l’esprit et de la pénétration, de la droiture et de la noblesse, avec une piété qui le faisait bien venir des puissances catholiques, mais le portait un peu trop à s’accommoder avec elles et à rechercher l’avantage de l’église plus encore que ne le voulait la politique. Servien seul était dépositaire de la pensée de Mazarin, et Mazarin, comme son maître, ne connaissait qu’un intérêt, celui de la grandeur de la France. Il voulait d’abord obtenir de l’empire l’Alsace tout entière, avec quelques places fortes sur le Rhin, pour achever le légitime développement de la France de ce côté. Il avait encore une autre ambition que lui avait léguée Richelieu et qu’il légua à Lyonne : c’était d’arracher à l’Espagne l’échange de la Catalogne, où Richelieu et lui avaient habilement porté la guerre, contre les Pays-Bas, sans lesquels la France n’avait réellement pas de frontière du nord, et pouvait voir, après une bataille malheureuse, une armée ennemie arriver sans obstacle sous les murs de Paris. Telles étaient les pensées qui occupaient l’esprit de Mazarin, et qu’il poursuivait à la fois par les négociations et par les armes, avec la douceur et l’inflexibilité qui caractérisent ce grand homme d’état.

M. de Longueville arriva à Munster le 30 juin 1645, à peu près en même temps que son beau-frère le duc d’Enghien allait prendre le commandement de l’armée du Rhin, à la place de Turenne, qui venait