Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/653

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’église. Il avait fait d’assez fortes études chez les jésuites, au collège de Clermont, avec Molière, et M. le Prince, avant sa mort, avait obtenu pour lui les plus riches bénéfices et demandé un chapeau de cardinal. En attendant ce chapeau, Armand de Bourbon vivait à l’hôtel de Condé, à moitié ecclésiastique, à moitié mondain, tout occupé de bel esprit et avide de toute espèce de succès. La gloire de son frère le piquait d’émulation, et il lui prenait des caprices guerriers. Quand sa sœur était revenue d’Allemagne, il était allé au-devant d’elle, et, ébloui de sa beauté, de sa grâce et de sa renommée, il s’était mis à l’aimer « encore plus en honnête homme qu’en frère[1]. » Il la suivit aveuglément dans toutes ses aventures, où il montra autant de courage que de légèreté. Quand il eut fait sa paix avec la cour, grâce à son mariage avec une nièce de Mazarin, la belle et vertueuse Anne-Marie Martinozzi, il obtint le commandement en chef de l’armée de Catalogne, et il s’en tira avec honneur. Il réussit moins bien en Italie. En tout, il est loin d’avoir fait tort à son nom, et il a donné à la France, dans la personne de son plus jeune fils, un véritable homme de guerre, un des meilleurs élèves de Condé, un des derniers généraux éminens du XVIIe siècle. Ramené à la religion par sa mauvaise santé, le prince de Conti finit par où il avait commencé, la théologie. Il composa sur divers sujets de piété des écrits où il y a du savoir et du mérite[2]. En 1617, il était tout entier à la vanité et aux plaisirs. Il adorait sa sœur, et elle exerçait sur lui un empire mêlé d’un peu de ridicule et qui dura plusieurs années.

La cour et Paris étaient alors dans des fêtes et des divertissemens qu’on s’empressa de faire partager à Mme de Longueville. Pour plaire à la reine, Mazarin multipliait les bals et les opéras. Il avait fait venir d’Italie des artistes, des chanteurs et des chanteuses, payés à grands frais, qui représentèrent un opéra d’Orphée dont les machines et les décorations seules coûtèrent, dit-on, plus de 400,000 livres. La reine raffolait de ces spectacles. La France aussi, comme touchée de sa propre grandeur, se complaisait dans les magnificences de son gouvernement, et les secondait en redoublant elle-même de luxe et d’élégance. Les plaisirs de l’esprit étaient au premier rang. L’hôtel de Rambouillet, tirant vers son déclin, jetait un dernier éclat. Mme de Longueville y régnait, ainsi que dans tous les cercles de Paris. C’était à peu près le temps des deux sonnets de Voiture et de Benserade, qui partagèrent la cour et la ville, les salons et l’Académie. On a rassemblé[3] presque toutes

  1. Mme de Motteville, t. II, p. 17.
  2. Les Devoirs des grands, par monseigneur le prince de Conti, avec son testament. — Traité de la Comédie et des Spectacles selon la tradition de l’église. — Lettre du prince de Conti, ou l’accord du libre-arbitre avec la grâce de Jésus-Christ.
  3. Mémoires de littérature, l. Ier, p. 116-134.