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elle l’anima encore plus contre la Fronde. En même temps il fit comprendre à la cour qu’il fallait mettre fin à une guerre qui, de part et d’autre, moissonnait tant de courages, à la plus grande joie de l’Espagne ; et ici, en montrant la pointe de son épée, là, en parlant avec fermeté, il amena bientôt Paris et le parlement à demander la paix, et Mazarin à en donner une qui n’humiliait ni le parlement ni Paris. Il n’obtint pas seulement une amnistie générale ; il fit plus : il représenta que, pour désarmer la Fronde, il fallait lui enlever les griefs légitimes qui faisaient sa force, et qu’une fois la royauté replacée au-dessus de toutes les factions, il était sage d’en faire descendre toutes les améliorations nécessaires. De là la déclaration royale du 12 mars 1649[1], qui annulait toutes les mesures prises depuis six mois par le parlement, expulsait l’envoyé d’Espagne, remettait toutes les forces civiles et militaires entre les mains du roi, interdisait pour le reste de l’année 1649 toute assemblée générale du parlement, mais promettait à Paris le retour du roi et au parlement de le consulter dorénavant sur les impôts extraordinaires, et, si on traitait avec l’Espagne, de choisir quelqu’un de ses officiers pour assister à ce traité. Quant à la noblesse, la déclaration n’en disait rien, par la raison très simple qu’il n’y avait là aucune cause générale qu’on eût à satisfaire, et qu’il s’agissait seulement d’intérêts particuliers qu’on ménagea du mieux qu’il se put.

Il est curieux de lire dans Mme de Molleville[2] une pièce intitulée : Demandes particulières de messieurs les généraux et autres intéressés. On verra qu’ils n’étaient pas peu exigeans : « Ils avoient chacun dans Saint-Germain des députés à basses notes qui traitoient pour eux. » Par exemple, « le duc de Beaufort n’étoit pas content de ce qu’on lui faisoit offrir sous main. Il demandoit beaucoup, parce qu’il sentoit encore dans son cœur l’enflure orgueilleuse que lui laissoient les restes de sa faveur passée ; il vouloit que le ministre lui payât ses fers et sa prison ; il parloit fièrement ; il disoit tout haut qu’il ne vouloit point s’accommoder avec le Mazarin, et, portant son ressentiment plus haut que les autres, il rendit son accommodement plus difficile… Mme de Montbazon, qui étoit aimée du duc de Beaufort, fit espérer qu’elle le feroit contenter à moins, si on lui donnoit à elle ce qu’elle désiroit. Elle obtint de l’argent et des abbayes, et le duc de Beaufort, qui l’aimoit, trouva bon que cette dame profilât de l’inclination qu’il avoit pour elle. »

Enfin tout le monde fut ou s’efforça de paraître content. Le prince de Conti fut le premier qui sortit de Paris pour venir saluer la reine. Il

  1. Voyez-là dans Mme de Motteville, t. III, p. 215.
  2. ome III, p. 233, etc.