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presque exclusivement aux dépens du trésor public que Walpole avait pourvu ses deux autres fils, sir Édouard et Horace. On sera peut-être curieux de connaître comment était constituée la fortune d’un troisième fils de premier ministre, et ce que permettaient alors les mœurs publiques et des usages qui n’ont pas encore complètement disparu. Horace reçut par testament 5,000 livres sterling d’argent comptant, qu’il ne toucha pas en entier, et la jouissance temporaire de la maison où son père mourut, dans Arlington-Street, et qu’il avait encore pour trente-six ans. Ainsi doté et dans sa condition, le jeune homme eût été pauvre, si les sinécures n’y avaient mis ordre. Il avait reçu dans son enfance deux petites places qu’il garda toujours, celles de clerc des extraits et de contrôleur du grand rouleau de l’échiquier, qui lui rapportaient 300 livres par an. À vingt ans, il fut nommé huissier de l’échiquier, titre qui valait annuellement de 1,800 à 2,000 liv., et il y joignit un revenu de la moitié sur l’office de collecteur de la douane, accordé pour la vie à son père et à ses deux aînés. Toutes ces places étant données par lettres-patentes (patent place), c’est-à-dire par un brevet irrévocable, constituaient pour le titulaire une sorte de propriété : toutes étaient des sinécures, ou du moins le peu de fonctions qu’elles imposaient étaient exercées par un suppléant (deputy). Quelles étaient, par exemple, les fonctions de l’huissier de l’échiquier ? D’abord ouvrir et fermer les portes de l’échiquier, ce qui aurait, à la rigueur, obligé le titulaire à se tenir de garde aux audiences du premier lord de la trésorerie, en l’autorisant même à percevoir un droit sur chaque visiteur, faculté dont Horace Walpole, dans un mémoire justificatif, se défend d’avoir jamais usé ; mais le principal revenu résultait de l’obligation de fournir à l’échiquier le papier et les objets de bureau nécessaires, apparemment d’après un tarif ou un forfait avantageux, car Walpole ne nie pas qu’une certaine année il en ait tiré 4,200 livres, c’est-à-dire 105,000 francs. Voilà donc le lot d’un cadet de famille ministérielle, qui n’a jamais rempli aucun emploi, qui n’a rien été que membre des communes. Et cette situation, regardée long-temps comme toute naturelle, pouvait très bien s’avouer. S’il fut une fois obligé de l’expliquer au public, c’est vers 1782, quand les idées de réforme se mirent à poindre. Les sources occultes de revenus prélevés sur les fonds destinés à l’entretien, à la défense, à la grandeur de l’état, furent alors découvertes en plein parlement, et Burke avait commencé cette guerre aux abus qui dure encore. On a depuis beaucoup supprimé, beaucoup réduit. Ces dernières vingt années ont fait beaucoup ; mais on dit que tout n’est pas fini, et la sévérité de M. Hume n’a pas encore complète satisfaction.

Grâce à ces singuliers usages, Horace, sans patrimoine, n’était pas