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représentatif, sans s’exposer à doubler l’incertitude en attribuant à deux métaux le rôle de monnaie. En partant de ce principe, il y aurait encore à examiner lequel des deux métaux présente, dans un temps donné, la valeur la moins variable. Avant la découverte des placers Californiens, l’argent aurait eu peu de chances. Aujourd’hui même, la question ne me paraît pas avoir changé de face, autant qu’on le croit vulgairement.

Ajoutons qu’il n’est pas également facile à tous les peuples qui ont adopté le double étalon d’exclure sans inconvénient l’un des métaux précieux de leur circulation monétaire. L’exemple de la Hollande a prouvé que l’or, en perdant le caractère de monnaie légale, n’avait pas la moindre chance d’être admis comme monnaie de convention. Démonétiser l’or, c’est l’expulser du marché. Qu’une nation commerçante comme la Hollande, qui vit de la liberté et qui fait métier de transporter sur toutes les mers non-seulement ses produits, mais encore ceux des autres contrées, renonce à un île ses moyens d’échange, cela n’entraîne pas pour elle de grands périls. L’Angleterre, qui ne semble pas disposée en ce moment à imiter les Hollandais, pourrait seule, ayant le commerce du monde entre les mains, le faire sans trop de dommage. Pour la France, à moins d’une nécessité pressante, elle ne saurait dans les conditions actuelles, démonétiser l’or sans s’exposer à une perturbation complète de ses rapports extérieurs et de ses plus sérieux intérêts.

Notre commerce est enchaîné dans les liens du système protecteur. Sans parler des prohibitions directes qui déshonorent nos tarifs de douane, presque tous les droits qui grèvent les articles de grande consommation sont des prohibitions déguisées ; en échange des produits français qu’ils vendent à l’étranger, nos marchands ne peuvent guère en rapporter que des matières premières. Encore la fonte et le fer en barres, cette matière première de toute industrie, sont-ils tarifés à plus de 100 pour 100 de leur valeur. Dans les contrées qui ont une législation vraiment commerciale et où les douanes ne sont qu’un impôt, les importations et les exportations se balancent. Dans notre pays où l’on a voulu en faire une barrière pour arrêter les échanges, les marchandises exportées ont toujours une valeur supérieure aux marchandises importées. En 1850, par exemple, l’importation représentant 790 millions de francs et l’exportation 1,068 millions, une somme de 278 millions forme la différence. L’Angleterre et les États-Unis à eux seuls reçoivent de nos produits une valeur qui excède de 236 millions celle des produits qu’ils nous envoient. Et comme les nations avec lesquelles nous commerçons ne peuvent pas nous donner des marchandises pour solde, il faut bien qu’elles nous paient en or et en argent. Voilà pourquoi l’on trouve au tableau de 1850, qui ne donne pas