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crois au Dieu des chrétiens ? » Ghismonda se détourne de la croix avec dédain, l’évêque lui lance l’anathème, et Walther, montant à cheval avec sa suite, va rejoindre en Palestine les chevaliers de l’empereur Barberousse.

M. de Redwitz n’est pas heureux chaque fois qu’il abandonne l’idylle pour des situations d’un ordre plus élevé. Nous avons signalé tout à l’heure une singulière inhabileté philosophique dans la lutte du chevalier allemand et de la comtesse italienne ; la même maladresse éclate encore dans cette scène, qui vise à l’intérêt du drame. Le vrai domaine de M. de Redwitz, c’est la pastorale naïve, c’est le tableau familier d’un intérieur éclairé d’une douce lumière ; partout ailleurs il est gauche et contraint. Le dernier chant du poème ramène l’auteur dans la Foret-Noire. Walther revient de la croisade et va chercher Amaranthe au fond de sa solitude. Ici, tout est prévu d’avance ; l’auteur n’a plus aucun effort d’invention à faire ; il n’a qu’à peindre de frais paysages et à placer sous les sapins, à l’ombre des tours en ruine, au bord des eaux murmurantes, les deux figures de ces jeunes gens qu’il aime. Ces éternels sujets ont été traités par bien des poètes en Allemagne ; M. de Redwitz introduit dans ses tableaux un sentiment qui lui est propre. Comme l’Hermann de Goethe rencontre Dorothée auprès de la source et l’aide à remplir sa cruche, c’est aussi au bord du ruisseau que Walther retrouve Amaranthe. C’est l’automne ; tout est calme dans la nature, tout respire une tristesse douce et recueillie. Ces idylles d’octobre s’harmonisent ingénieusement, sous la plume de l’écrivain, avec les printanières églogues du début. Le cycle de l’année s’est accompli avec grâce : après les émotions des premiers jours dans les vallées allemandes, après les entraînemens et les luttes des brûlantes journées sous les orangers d’Italie, le jeune chevalier de Barberousse, le disciple fervent des Minnesinger a trouvé le bonheur paisible auquel il aspirait. Rappelez-vous comme il poussait son cheval au galop pour donner le change à l’activité inquiète de son cœur, et voyez-le aujourd’hui, sur ce même cheval qui semble hennir de joie, voyez-le conduisant sa jeune femme au château de ses aïeux ! La forêt s’agite au souffle de la brise, la feuille frémit, l’oiseau chante ; on dirait les harmonies du printemps. C’est le printemps qui réside dans l’aine, et dont la splendeur ne se voile pas.

Telle est l’œuvre de M. Oscar de Redwitz. Est-ce bien là, comme l’on cru des admirateurs enthousiastes, un digne monument de la poésie catholique ? L’auteur a-t-il vraiment compris sa tâche et rempli toutes les conditions de toutes les conditions de son programme ? Si on jugeait M. Oscar de Redwitz d’après les prétentions son talent, si on le jugeait surtout d’après l’importance que lui a donnée un succès sans exemple, son poème devrait appeler des conclusions sévères. Extraire du catholicisme la