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est indécise, mais qu’illumine de toutes parts un sentiment naïf et pur. Quelle que soit la faiblesse de son invention, on aime à voir le poète déployer une juvénile vaillance et rompre en visière à cette nouvelle Allemagne où l’humanisme triomphe. Le contraste de sa grâce enfantine et de sa belliqueuse ardeur a je ne sais quoi de touchant. À l’heure où la lumière se fait sur les tristes déviations d’une société tout entière, quel cœur sincère ne voudrait redevenir enfant, afin de recommencer la vie ?

M. de Redwitz a eu le bonheur de répondre à cette tristesse vaguement répandue et de la charmer par ses vers. D’ailleurs la faiblesse de la pensée poétique ne nuit pas dans son livre à l’habileté de la forme. Sa parole est ingénieuse, son imagination est jeune et abondante. L’Allemagne entière a subi l’ascendant de cette piété gracieuse ; l’Allemagne du midi surtout a accueilli le jeune poète avec un enthousiasme inoui. Les universités lui envoyaient sans examen le diplôme de docteur. Son livre allait de mains en mains, et il en fallait une nouvelle édition tous les deux mois. Des juges sérieux affirmaient que la poésie du XIIIe siècle, la poésie des Wolfram d’Eschembach et des Gottfried de Strasbourg, venait de reparaître, agrandie par un art plus savant et des inspirations plus hautes. « Aucun poète, s’écrie l’un d’eux, ne m’a rappelé comme M. de Redwitz la glorieuse triade de chanteurs du moyen-âge allemand. En lui se sont réveillés et rajeunis, pour ne former qu’une seule personne, les trois grands poêles du Minnegesang ; il possède à la fois et le charme de narration particulier à Gottfried de Strasbourg, et la grâce innocente d’Hartmann d’Aue, et la profondeur chrétienne de Wolfram d’Eschembach. » Si l’on se rappelle l’admiration de l’Allemagne pour ces poètes qu’elle oppose si complaisamment aux Dante et aux Pétrarque, on comprendra que l’enthousiasme ne saurait aller plus loin.

N’en déplaise pourtant aux apologistes, ce n’est pas une reproduction magistrale de la poésie du moyen-âge, c’est quelque chose de mieux, quelque chose de plus vrai à mon avis, c’est la candeur naturelle de cette ame d’enfant qui a produit ce merveilleux succès. Les deux volumes que M. de Redwitz a publiés depuis, la Légende de la Source et du Sapin et un recueil de Poésies, ont complété la physionomie de l’auteur : ce qui fait décidément son originalité, c’est son sentiment si vif de l’humilité et des dons précieux qui la couronnent. Soyez soumis, répète-t-il sans cesse à cette Allemagne révoltée et entraînée hors de ses voies ; soyez humbles, faites-vous petits, redevenez enfans. Une source jaillissait du sein de la terre, à l’ombre des sapins de la forêt. Rien ne troublait la pureté cristalline de ses ondes, c’est à peine si la brise en ridait la surface. Elle veut quitter ce bienfaisant abri ; elle se jette au hasard dans l’inconnu, elle court à travers le