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des précautions spéciales correspondantes. Déjà, dans cette vue, la loi du 7 vendémiaire an IV exigeait que les lieux consacrés à des cérémonies religieuses fussent connus des autorités locales au moyen d’une déclaration préalable. Il appartiendrait à la loi d’organiser un système plus complet et d’attacher des conditions à l’exercice du culte. Elle pourrait, par exemple, exiger qu’il fût public, interdire les cérémonies nocturnes, et les sectateurs même des cultes non reconnus, loin d’y faire obstacle ou d’en prendre ombrage, devraient y applaudir.

En second lieu, les fraudes qu’on suppose ne pourraient échappera la vindicte des lois et à l’œil vigilant des tribunaux qui en seraient les juges naturels. Des citoyens se disent en dehors de la loi sur les réunions, parce qu’ils se livraient à des actes de culte ; des citoyens réclament une protection accordée aux cultes : les tribunaux décident si en effet il y a lieu d’admettre l’exception proposée, de donner la protection sollicitée. Ils ne jugent point une question morale, dogmatique, un système, des tendances : ils apprécient un fait, ce qui est leur office. S’agit-il en effet d’une religion ? Les réunions avaient-elles la prière pour but’ ? Les cérémonies étaient-elles des actes de culte ? Voilà ce qu’ils vérifient et jugent.

Ainsi, dans tout ce qui est de droit commun, les cultes soumis à la loi générale et régis comme les autres actes de la vie publique des citoyens ; dans ce qui leur est propre, des garanties spéciales établies, et les tribunaux veillant à ce qu’elles ne soient pas enfreintes : — il semble qu’à ces conditions la liberté n’offre aucun péril. Cependant elle suscite encore des inquiétudes, et, pour les dissiper, on demande qu’elle ne puisse être exercée qu’avec l’autorisation préalable du gouvernement. Tel est le point sur lequel sont partagés ses défenseurs et ses adversaires. Les premiers revendiquent un droit propre et indépendant, les seconds subordonnent le droit à l’agrément du gouvernement ; c’est la lutte engagée sur tant de points entre le régime préventif et le régime répressif.

Le système de l’autorisation préalable soulève une première objection : il tue la liberté. Ai-je encore un droit, si je n’en puis user que sous le bon plaisir de l’autorité publique ? Cette proposition est si évidente, qu’elle ne comporte pas de démonstration. Au début, la plupart des droits politiques ont été soumis au régime de l’autorisation préalable. Avec le temps et le progrès des institutions, ce régime doit successivement faire place au régime purement répressif. Cette substitution ne s’obtient jamais sans résistance, et elle est soumise à des retours. Les gouvernemens s’inquiètent dès qu’une liberté brise ses lisières et se soustrait à leur tutelle. Ils se croient seuls capables de protéger la société, et toute altération de leurs pouvoirs discrétionnaires leur paraît une conquête de l’anarchie ; mais l’expérience n’a que trop souvent démontré ce que vaut et ce que dure la sécurité que