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de la commune, la société laïque était constituée dans une sphère indépendante de l’église.

Cependant la constitution civile du clergé avait attisé le feu des passions religieuses. On peut, avec les hommes convaincus et éclairés qui la rédigèrent et la firent adopter, soutenir qu’elle ne dépassait point la limite des droits du pouvoir politique ; mais, au moment où les plus profondes innovations alarmaient une religion jusqu’alors toute-puissante, où l’état lui retirait ses immenses propriétés, cessait devoir dans ses ministres un ordre distinct de citoyens et la privait de ses vieux privilèges, la prudence défendait d’adopter une réforme qui irritait des inquiétudes déjà si vives et fournissait un aliment à des résistances toutes prêtes à éclater. Les luttes qu’engendra cette mesure impolitique jetèrent l’assemblée et le gouvernement dans des voies où la liberté religieuse devait recevoir de vives blessures. Le pouvoir temporel se vit condamné à faire invasion sur le pouvoir spirituel. Dès l’origine, l’église et l’état, que la loi nouvelle entendait séparer, se trouvèrent engagés dans un conflit qui les mettait en guerre. Ce fut la source des mesures dont l’assemblée nationale donna le signal et où la suivirent les assemblées qui lui succédèrent. Une fois sur cette pente fatale, elles ne purent s’arrêter. La résistance réveilla les haines. Une législation draconienne organisa la violence, décréta la proscription, et dressa les échafauds. Il faut jeter un voile sur des excès, sur des crimes que les passions politiques, la difficulté des temps, la nécessité d’assurer le triomphe de la révolution, expliquent sans les justifier. On calomnierait la liberté en suivant sa trace à travers ces convulsions sanglantes.

Après le retour de temps moins agités, la convention même pensa que le moyen de mettre un terme à des collisions qui avaient compromis l’état, renversé les autels et consterné les gens de bien, était de prononcer la séparation absolue de l’église et de l’état. La constitution de l’an III décréta, article 334 : « Nul ne peut être empêché d’exercer, en se conformant aux lois, le culte qu’il a choisi. Nul ne peut être forcé de contribuer aux dépenses d’aucun culte. La république n’en salarie aucun. » Une loi rendue quelques jours plus tard (7 vendémiaire an IV) soumit à la surveillance des autorités constituées « les rassemblemens formés pour l’exercice d’un culte, » et exigea la déclaration aux administrations municipales « de l’enceinte choisie pour l’exercice d’un culte. »

Ainsi étaient proclamées la rupture de tout lien entre l’église et l’état et l’entière liberté des cultes ; mais les circonstances s’opposaient à ce que ces principes reçussent alors leur application. Les cultes adoptés par les croyances et les mœurs nationales ne pouvaient encore se relever des coups qui les avaient frappés. Tout secours de l’état leur était refusé, tout appui leur manquait. Sur la tête de leurs ministres