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restaient suspendus les lois d’émigration, les souvenirs les plus sinistres. Un clergé pauvre et désuni ne pouvait ni susciter à l’état les difficultés auxquelles l’exposent des églises dispensées de tout devoir envers lui, ni user pour reprendre l’empire d’une liberté stérile et indigente. La loi nouvelle ne servit qu’à enfanter des essais de culte impuissans et ridicules. Le trouble régnait encore dans les esprits, la terreur dans les âmes, l’indécision dans les conseils du gouvernement. On ne saurait trouver ni un modèle ni une autorité dans des lois que les temps mêmes où elles furent rendues privaient de vie et de puissance.

Quand le consulat s’établit, la liberté ne comptait plus que de rares amis. On avait vu s’en détourner tous ceux dont l’ame n’avait pas assez d’énergie ni les convictions assez d’ardeur pour demeurer fidèles à des principes déshonorés par tant d’excès. Triste et ordinaire lendemain des triomphes de la démagogie ! A l’égard des cultes, le régime nouveau en proclama la liberté. Les consuls déclarèrent « que cette liberté était garantie par la constitution ; qu’aucun magistrat ne pouvait y porter atteinte ; qu’aucun homme ne pouvait dire à un autre : Tu exerceras un tel culte ; tu l’exerceras un tel jour. » Les cultes auxquels s’attachait la foi populaire furent placés sous une loi d’égalité et soumis à des entraves qui ne respectèrent pas toujours leurs franchises légitimes ; ils furent administrés par l’état. Le régime préventif qui devenait le droit commun de l’empire s’étendit aux consciences. Le concordat fait avec le saint-siège eut pour complément les articles organiques, œuvre du pouvoir politique. Les cultes protestans furent constitués par la loi, et le culte Israélite, quelques années plus tard, par des décrets impériaux. Cependant le principe de la liberté des cultes ne cessait pas d’être proclamé. Par son serment, l’empereur jura de la faire respecter, et quand, à l’occasion du sacre, une députation protestante fut admise auprès de lui, il lui adressa ces paroles solennelles : « Je veux que l’on sache bien que mon intention et ma ferme volonté sont de maintenir la liberté des cultes. L’empire de la loi finit où commence l’empire indéfini de la conscience ; la loi ni le prince ne peuvent rien contre cette liberté ; tels sont mes principes et ceux de la nation ; et si quelqu’un de ceux de ma race, devant me succéder, oubliait le serment que j’ai prêté, et que, trompé par l’inspiration d’une fausse conscience, il vînt à le violer, je le voue à l’animadversion publique, et je vous autorise à lui donner le nom de Néron. » Malgré cet anatlième, les art. 291, 292 et 294 du code pénal, promulgué en 1810, soumirent à l’autorisation du gouvernement les associations et réunions même consacrées au culte ; mais dans les doctrines qui prévalaient alors, ce n’était pas détruire la liberté que d’en subordonner l’usage au bon plaisir de l’autorité publique.