Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 15.djvu/840

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

libre, on maintenait les établissemens fondés, entretenus ou subventionnés par l’état ou par les communes. La loi sur les sociétés de secours mutuels, en les déclarant libres, autorisait aussi le gouvernement à accorder à celles qui lui en paraîtraient dignes son patronage et des encouragemens pécuniaires. Par ce moyen, le pouvoir politique exerce une légitime influence qui ne coûte rien à la liberté, et la société défend ses droits sans que le citoyen soit blessé dans les siens.

La reconnaissance légale de cultes particuliers offre quelques-uns des avantages de l’autorisation préalable et n’en a pas les inconvéniens : elle émane de la loi ; elle laisse la liberté intacte. Comme elle a pour conséquence des privilèges spéciaux, elle autorise l’état à stipuler en échange certaines conditions où il se propose à la fois son propre intérêt et celui de la religion.

Un de ces privilèges était consacré par la constitution de 1848 et n’a pas cessé d’exister. Les ministres des cultes reconnus reçoivent un traitement de l’état. L’allocation de ce traitement a été vivement combattue par des esprits éminens ; elle l’est encore par les partisans de la séparation absolue de l’église et de l’état. On propose de remplacer le salaire public par les contributions volontaires des fidèles. On invoque la dignité de l’église et le respect des croyances. On s’appuie sur l’allégement qu’éprouveraient les dépenses publiques. Quant à l’église, par le traitement accordé à ses ministres, elle contracte, dit-on, des obligations qui brisent son indépendance. L’état se croit autorisé à lui dicter des ordres, et, en quelque sorte, à la tenir sous le joug. Il considère les ministres du culte comme des fonctionnaires dont il peut disposer. Arrachée à sa sphère élevée, la religion n’est plus qu’un service public, administré comme les douanes et l’octroi. Résiste-t-elle aux étreintes corruptrices du pouvoir, elle encourt ses mécontentemens, ses censures, parfois ses violences. Lui prête-t-elle appui, elle devient un instrument de règne. Une solidarité compromettante la livre aux mêmes attaques, aux mêmes haines, aux mêmes vicissitudes ; son autorité est ébranlée, sa voix méconnue. Le soupçon altère la foi. Ce n’est plus Dieu qui parle par la bouche de ses ministres, c’est le pouvoir temporel dont ils se sont faits les serviteurs complaisans. Le salaire d’ailleurs est une source d’abus. Quelle sera la règle du partage ? La reconnaissance des divers cultes, la distribution du salaire entre chacun d’eux d’abord, entre ses ministres ensuite, tout est livré à l’arbitraire. La dotation des églises ne dépend plus de la libéralité des fidèles ; elle est mesurée par la main avare du fisc, par le caprice d’un gouvernement, partial s’il professe un culte spécial, indifférent s’il n’en professe aucun.

Les croyances, ajoute-t-on, ne sont pas moins offensées que la dignité de l’église. Sous l’empire d’une loi qui permet à chacun de suivre son culte, qui ne demande à personne une profession de foi religieuse,