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du modelé ; mais le caractère, l’effet et la couleur compensent largement ce qui lui manque, surtout dans des sujets comme ceux qu’il préférait et qui permettent certaines licences.

Il ne nous reste plus qu’à parler de Reynolds pour amener ce rapide aperçu jusqu’à l’art anglais contemporain, auquel ce maître tient et par l’époque où il a vécu, et par l’action encore puissante de ses principes et de sa pratique. Reynolds était sous tous les rapports un homme supérieur : chez lui, les aptitudes particulières du peintre se trouvaient associées à l’élévation du cœur, à la persévérance, à un esprit solide et pénétrant. Sa puissance d’observation était grande, et elle portait des fruits, parce qu’il considérait ce qu’il voyait, tandis que chez la plupart des hommes l’œil s’éveille et l’esprit sommeille. Les circonstances voulurent que cette heureuse combinaison de qualités rencontrât sur sa route la bienveillance du public, et il en résulta fortune et célébrité pour le peintre. Comme toutes ses sympathies étaient pour l’art, il fit tourner au profit de l’art son honorable position. L’exemple d’une vie de vertu et de labeur persévérant éleva le niveau des mœurs parmi les artistes, ses collègues, et les vues à la fois larges et profondes qu’il porta dans la théorie, non moins que l’originalité et la vigueur de sa pratique, rehaussèrent l’art lui-même ; elles lui donnèrent une substantialité et une raison d’être qu’il n’avait jamais eues en Angleterre ; elles le rendirent en outre si conséquent avec lui-même et si bien relié, qu’il n’y eut plus danger de le voir démembré, et que sa vitalité fut désormais assurée.

Reynolds était avant tout un peintre de portraits. Il a accidentellement touché à l’histoire ; mais il y est resté fort inférieur à ce qu’il est dans sa véritable voie. Il n’y garde rien de cette grandeur et de cette nouveauté saisissante de conception qu’il a su mettre dans ses portraits ; toutefois, quand on voit quelle fut sa carrière, comment il naquit dans une petite ville, où il ne reçut aucune leçon d’art jusqu’à dix-huit ans, comment il fut mis alors en apprentissage chez le peintre Hudson. l’ignorance même, qui ne pouvait pas seulement adapter un corps aux têtes de ses portraits, et qui, pour dégrossir son élève sur le dessin, lui donnait à copier des eaux-fortes du Guerchin, comment enfin, après deux ans d’enseignement de cette sorte, le jeune homme commença à gagner sa vie par des portraits, on ne s’émerveille plus de ce qui lui a fait défaut, on sent qu’il n’a rien moins fallu que le don du génie pour le mettre à même d’acquérir la somme d’excellence qui ne saurait être contestée à ses œuvres.

Les mérites du peintre, chez Reynolds, sont la puissance et la largeur d’effet, un ton grave et harmonieux de couleur et un certain aspect de force et de majesté, le tout écrit d’une main hardie et facile, mais un peu lâchée. À cela il faut ajouter d’autres qualités qui, sans tenir en