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libérien de vingt coups de canon. La proclamation de l’indépendance rappelait que le peuple de Libéria était originaire des États-Unis, qu’il y avait été privé de ses droits de citoyens aussi bien par les lois que par les préjugés des blancs; que, tout espoir de retour à des sentimens plus favorables à la race noire étant perdu, on avait dû songer à fonder un asile pour les victimes d’une exclusion imméritée. On déclarait que la côte ouest de l’Afrique avait été choisie, et que, grâce à la bienveillante et philanthropique sollicitude de la Société de colonisation, l’état de Libéria serait à l’avenir le point de ralliement des noirs et hommes de couleur qui voudraient jouir des avantages civils et politique que Dieu a concédés à toutes les races. On proclamait aussi que, sur cette plage lointaine, des milliers d’hommes libres étaient déjà réunis et que de grandes espérances étaient déjà réalisées, que des temples y étaient élevés au vrai Dieu, que des tribunaux y rendaient la justice et que des écoles y distribuaient les bienfaits de l’éducation. Bien plus, les Africains natifs, se prosternant au pied de l’autel du Dieu vivant avec les citoyens de la Libéria, avouaient que la lumière du christianisme avait pénétré jusqu’à eux, et que le trafic maudit des esclaves recevait un coup mortel partout où s’étendait l’influence du nouvel état. Par toutes ces considérations, on faisait appel à toutes les nations civilisées, et on sollicitait leur bienveillance et leur appui en faveur de la république naissante. Quant à la constitution, elle proclamait l’interdiction formelle du trafic des esclaves dans l’état de Libéria : aucun de ses citoyens ne pourrait s’y livrer ni au dedans ni au dehors de ses frontières. Le pouvoir législatif était confié à un sénat et à une chambre des représentans. Le sénat devait être composé de deux membres élus par chaque comté; pour être sénateur, il fallait être résidant dans le pays depuis trois ans, avoir au moins vingt-cinq ans et posséder un revenu de 200 dollars (1,050 fr.). Pour la chambre des représentans, deux ans de résidence, vingt-trois ans d’âge et la possession constatée de 50 dollars formaient les principales conditions d’éligibilité. Quant au nombre de représentans, il devait être fixé en raison de la population. Pour la première élection, on divisait le territoire en trois comtés : 1° celui de Mesurado, qui élisait quatre députés; 2° celui de Bassa, trois; 3° celui de Sinou, un. Il devait y avoir ensuite un député par mille âmes d’augmentation dans la population. Le pouvoir exécutif était dévolu à un président âgé au moins de trente-cinq ans, ayant cinq ans de résidence et possédant six cents dollars. Le pouvoir judiciaire était attribué à une cour souveraine de justice et à des tribunaux inférieurs institués par la législature.

La première session du nouveau parlement s’ouvrit au commencement de 1848. Après l’installation des chambres, le président Roberts, assisté de deux commissaires, partit pour visiter les États-Unis et les principaux états de l’Europe. Il fut parfaitement accueilli partout, ainsi que ses compagnons; l’Angleterre fit un traité de commerce sur le pied d’une complète égalité, et gratifia la Libéria d’un joli cutter de guerre armé de quatre canons. La France reconnut immédiatement le nouvel état, lui fit cadeau de quelques armes et donna l’ordre à son commandant de la station d’Afrique d’aller se mettre en rapport avec le gouvernement libérien et de l’aider à détruire la traite sur son territoire. La frégate la Pénélope arriva sur la rade de Monrovia à la fin de février 1849, et salua de vingt et un coups de canon le pavillon du nouvel