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MARINE. — Quelle figure de réprouvé !

MALUSKI. — Il a plus l’air d’un bandit que d’un moine.

LE PRINCE ADAM. — Eh bien ! tu restes ? Que demandes-tu encore ?

YOURII. — Prince Adam, un de ces nobles panes s’apprête à monter un cheval difficile ; me permettras-tu de le voir ?

LE PRINCE ADAM. — Voilà le premier moine qui préfère un noble spectacle à la vue d’une marmite. Ce garçon-là est bâtard de quelque gentilhomme. Ah ! voici le cheval.

CONSTANTIN. — Eh bien ! pane Maluski, qu’en dites-vous ?

LE PRINCE ADAM. — Il est encore temps de se dédire.

MINSZEK.. — Allons ! allons ! annulez cette gageure ridicule.

MALUSKI, ôtant sa pelisse, à Marine. — Permettez-moi, pana, d’ôter cette pelisse et de la déposer à vos jolis pieds. Je souffre de les voir sur ce gazon humide.

MARINE. — Dieu me préserve d’oser fouler du velours de France !

CONSTANTIN. — Trêve de galanteries françaises, Maluski. À cheval !

MALUSKI. — Très volontiers. (Il descend dans la cour.)

MINSZEK.. — Petite folle, tu seras cause qu’un brave gentilhomme se rompra un bras ou une jambe.

MARINE. — Il dit qu’en France…

MINSZEK.. — Eh ! que nous importe ce qui se fait en France ?

LE PRINCE ADAM, regardant dans la cour, à Maluski. — Voulez-vous me donner vingt ducats ?

CONSTANTIN, de même. — Oui, prends-y garde… (Aux palefreniers qui amènent le cheval.) Tenez donc cette maudite bête, que monsieur se mette en selle !… Maluski, Maluski, vous avez plus de chance que moi… le sable est épais, et vous allez tomber comme sur un matelas.

YOURII, regardant dans la cour. — Tournez-lui la tête vers le soleil. Vous voyez bien qu’il a peur de son ombre.

CONSTANTIN. — De quoi te mêles-tu, moine ?

MINSZEK.. — Le Moscovite a raison. Maluski ! faites-lui tourner la tête vers le soleil.

MARINE. — Ne montez pas, pane Maluski, vous me faites peur. Revenez. Ah !

CONSTANTIN. — Pile ou face ?… Allons, allons ! Il se relève. Ce n’est rien. Mais les dentelles et le velours français sont rudement traités…

MALUSKI, dans la cour. — Maudite bride polonaise !… N’auriez-vous pas ici un mors français ?

MINSZEK.. — Allons, allons ! revenez ; vous boitez. C’est assez de folies.

YOURII. — Prince Adam, permets que j’essaie ce cheval.

LE PRINCE ADAM. — Toi ?

YOURII. — pourquoi pas ?

MARINE. — Oui, oui, prince. Cela nous amusera de le voir rouler sur le sable.

LE PRINCE ADAM. — Allons, mon révérend, voyons comment vous faites la culbute. (Yourii descend après avoir jeté sa robe.)

MALUSKI, qui revient en boitant légèrement. — C’est ma faute ! J’ai l’habitude du harnachement français…. Si j’avais pensé…. Tenez, prince Constantin, voici vos vingt ducats.