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faisait lire sur la place publique un résumé des nouvelles qu’il avait reçues du théâtre de la guerre, et on donnait une petite pièce de monnaie, appelée gazetta, pour assister à cette lecture, ou pour prendre connaissance de ce qui avait été lu. De là, disent les étymologistes, le nom de gazettes appliqué aux feuilles volantes contenant des nouvelles, lorsque ces feuilles furent imprimées et livrées au public. Rien ne semble plus naturel et plus satisfaisant qu’une pareille conjecture; par malheur, on ne trouve en Italie aucune trace de ces feuilles imprimées. Quant aux lectures faites par ordre du gouvernement sur la place publique de Venise, elles avaient lieu probablement dans toutes les républiques italiennes, et certainement à Florence, ainsi que l’atteste une collection de documens manuscrits conservée dans la bibliothèque de cette ville.

Ces documens, pas plus que les acta diurna, n’ont aucun rapport avec les journaux. De tout temps et en tous pays, les gouvernemens ont eu besoin de porter leurs lois et leurs actes à la connaissance du public. Ici on a fait publier des bans au son du tambour et par l’office du crieur public, ailleurs on a fait à des époques régulières des lectures à haute voix; ailleurs encore on a eu recours à des inscriptions, tantôt gravées sur la pierre, tantôt tracées sur des tablettes mobiles. Depuis l’invention de l’imprimerie, on se sert presque uniquement d’affiches apposées sur les murs. Les moyens ont différé, le but a toujours été le même. Inscriptions, proclamations, lectures publiques, ne sont que des voies diverses employées par les gouvernemens pour mettre la multitude au courant de ce qu’il était indispensable qu’elle sût. Ce sont, si l’on veut, des publications officielles; ce n’est pas là ce qu’on entend par des journaux.

Le journal est fils de l’imprimerie : il est impossible sans elle. Rapidité de publication, périodicité régulière, faculté de se multiplier à l’infini, condensation d’une foule de matières dans un étroit espace, toutes ces conditions, qui sont l’essence même du journal, ne pouvaient être réunies quand l’imprimerie n’existait pas. C’est donc dans les temps modernes, et encore à une date assez récente, qu’il faut placer la naissance des journaux. Les Anglais ont de bonne heure revendiqué pour leur pays l’initiative de ce genre de publication; mais leurs prétentions reposaient sur une fraude d’érudit, dont personne ne peut plus être la dupe aujourd’hui. On conserve au British Museum, au milieu de la collection de vieux journaux la plus complète qu’il y ait au monde, trois feuilles imprimées avec ce titre the English Mercurie, portant les numéros 50, 51 et 54, et la date de 1588. Il est question dans l’une de ces feuilles du départ de l’invincible Armada, et dans une autre d’un engagement entre sir Francis Drake et la flotte espagnole, et de la capture du vaisseau le Saint-François, commandé par don Pedro de Valdez. A la fin du siècle dernier, Chalmers rencontra ces trois