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bien des gens en province consentent à payer 3 et 4 livres par an pour recevoir une correspondance, lorsqu’un bon journal leur coûterait beaucoup moins. Plusieurs feuilles, pour faire concurrence aux nouvelles à la main, avaient pourtant imaginé de paraître avec deux pages imprimées et deux pages en blanc, afin qu’on pût se servir de son journal en guise de papier à lettre, et envoyer les nouvelles du jour à ses amis chaque fois qu’on leur écrivait. Ces journaux se vendaient 2 pence ou 4 sous le numéro.

« La publication de véritables journaux, consacrés en partie à la diffusion des nouvelles, en partie à la discussion des matières politiques, peut, en somme, être rapportée au règne de la reine Anne, époque à laquelle ces journaux eurent une grande circulation et devinrent les organes accrédités des diverses opinions; » — c’est Hallam qui s’exprime ainsi dans son Histoire constitutionnelle de l’Angleterre, Le règne d’Anne fut en effet une époque éminemment favorable au développement des journaux. La guerre de la succession d’Espagne, qui avait pour théâtre l’Europe presque tout entière, préoccupait tous les esprits, parce qu’il en pouvait sortir une contre-révolution en Angleterre : la curiosité publique était donc tenue sans cesse en éveil. Deux partis fortement organisés, les tories et les whigs, s’étaient formés et se disputaient le pouvoir avec acharnement. La lutte était engagée non-seulement à la cour et dans le parlement, mais devant l’opinion publique, à laquelle on en appelait des deux parts. Les journaux furent naturellement amenés à donner une place égale aux nouvelles et aux discussions politiques. L’activité intellectuelle qui a fait de cette époque l’âge d’or de la littérature anglaise ne fut pas non plus sans influence sur le développement et la transformation du journalisme.

Addison a fait mainte allusion à l’avidité de ses contemporains pour les nouvelles et à « l’aisance que cette curiosité générale procure à une demi-douzaine d’hommes d’esprit qui en vivent. » Le vent d’ouest qui empêchait la malle du continent d’aborder était considéré comme une calamité publique et plongeait dans un ennui profond la cour et la ville. La province était peut-être plus avide encore de journaux, car les gens de Londres avaient au moins la ressource des cafés, où la politique était le sujet de toutes les conversations, et où les nouvellistes de profession apportaient et recueillaient les bruits du jour. Aussi Exeter, Salisbury et quelques autres grandes villes virent-elles naître à ce moment les premiers journaux de province, dont la publication prouverait à elle seule la place que le journal tenait déjà dans les besoins de la population. Quant à Londres, il s’y publiait alors dix-huit feuilles politiques, c’est-à-dire sept de plus qu’en 1852. Tous ces journaux paraissaient au moins deux fois la semaine, les jours où partait la poste, et