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recherches, quand on s’adresse aux vieux livres, car dans ces livres l’indication de l’armoirie est toujours subordonnée à l’indication du nom patronymique, ou féodal. Ce ne sont, à proprement parler, que des biographies nobiliaires, illustrées de blason; et pour retrouver les familles auxquelles peuvent appartenir telles ou telles armes, il faut parcourir tout un dictionnaire, nom par nom et figure par figure. Afin de remédier à cet inconvénient, M. Grandmaison a substitué à l’ordre alphabétique des noms de famille l’ordre alphabétique des figures, en les groupant par genres, les pals avec les pals, les lions avec les lions, les croissans avec les croissans. Cette méthode a non-seulement l’avantage de donner aux personnes les plus étrangères à ce qu’on appelait autrefois la science héroïque le moyen de reconnaître promptement les diverses espèces d’armoiries, mais aussi de présenter l’inventaire exact de toutes les figures de l’art héraldique.

Si longues qu’aient été les recherches nécessitées par un semblable travail, l’auteur cependant ne s’est point renfermé dans la partie purement technique de son sujet. Il a donné sur les points principaux de l’histoire de la noblesse au moyen-âge une foule d’élucidations importantes. Son introduction, qui porte principalement sur l’origine de l’art héraldique, est un excellent morceau de critique historique, où, sans résoudre toutes les difficultés, il a su du moins faire la part du vrai et du faux, et réduire à leur juste valeur les nombreux systèmes qui se sont produits jusqu’ici sur certains points de l’histoire des armoiries De même que chaque famille cherchait à donner à sa noblesse un nouveau lustre, en la reportant aux temps les plus reculés, de même chaque érudit, pour anoblir le blason, en faisait remonter l’origine aux âges primitifs ou fabuleux. Favyn, dans son Théâtre d’Honneur, donne des armoiries à Caïn et à Abel; un autre héraldiste, Segoing, en attribue l’invention aux fils de Noé. D’autres croient en trouver les premières mentions dans Eschyle, à l’occasion du boucher des sept chefs devant Thèbes, ou dans Valérius Flaccus, à propos des emblèmes portés par les Argonautes. Alexandre, Charlemagne, les Normands, Frédéric Barberousse, les Guelfes et les Gibelins, sont désignés tour à tour par les écrivains du XVIe et du XVIIe siècle comme les inventeurs des signes héraldiques. Le père Ménestrier attaqua pour la première fois ces absurdes inventions, et fixa au Xe siècle l’origine des armoiries en la rattachant à l’origine même des tournois. Ce savant jésuite, par cette opinion nouvelle, avait fait un grand pas vers la vérité, mais il ne la touchait point encore. D’une part, il avait confondu avec les armoiries proprement dites les emblèmes personnels qui se rencontrent sur quelques monumens du Xe siècle, et de l’autre il se trompait, d’abord sur la question des tournois, — car on ne peut assigner à l’apparition de ces jeux guerriers une date aussi précise que celle qu’il a fixée, — ensuite sur l’influence qu’ils ont exercée par rapport au blason. Dire comme il le fait que les pals, les chevrons, les sautoirs, sont la représentation exacte des lices et des barrières où se donnaient les jeux chevaleresques, que les bandes et les fasces sont les écharpes qu’on y portait et que les dames donnaient souvent aux chevaliers, c’est, comme le remarque avec raison l’auteur du nouveau Dictionnaire, chercher dans les tournois exclusivement ce qu’on trouvait partout. Il y avait en effet des barrières, non-seulement dans les lices des tournois, mais aussi dans