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L’ANTIQUITÉ ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE.

Spartiate les lois de Lycurgue ! Nous autres, chrétiens, nous avons le ciel pour patrie et Dieu pour législateur ! »

Ainsi, à chaque pas que nous faisons dans l’étude des pères de l’église, l’antiquité domine : elle est tour à tour une menace, une espérance, une force, une déclamation. Ce même Clément d’Alexandrie a fait un livre intitulé : Stromates (on dirait essais ou mélanges aujourd’hui, et dans ce livre, qu’il compare lui-même à une prairie émaillée de toute sorte de fleurs, corbeille où chacun peut puiser à pleines mains, l’illustre évêque n’hésite pas à reconnaître que la philosophie antique était une excellente introduction à la connaissance de l’Évangile, qui en devait être le perfectionnement. « Il faut, dit-il (noble conseil qui a été rarement suivi), connaître l’antiquité pour la combattre, car, bien que la science des anciens fût utile, elle était insuffisante ; ces vives semences attendaient les rosées du ciel, et produisaient des tiges plus ou moins saines, jusqu’à l’avènement de celui qui pouvait seul en assurer les fruits vivifians ! » Et, plus loin, ce sage et bienveillant docteur de la science évangélique annonce qu’il ne veut rien détruire des œuvres de la Providence : « Elle n’a jamais permis que la vérité fût anéantie ici-bas, et que le mensonge y régnât sans être inquiété par quelque vive lumière ? — La philosophie antique, c’est la haie autour de la vigne. » Alors pourquoi donc arracher la haie ? elle protège la vigne. « La philosophie, ajoute saint Clément, c’est le vestibule, c’est le passage qui mène au sanctuaire. Le vrai chrétien ceci est décisif) se garde bien de négliger les sciences humaines ; elles lui servent d’un divertissement innocent quand il veut se délasser des occupations plus sérieuses ; il peut même en tirer un grand parti, tantôt pour mieux connaître la vérité, tantôt pour mieux répondre à ceux qui la combattent… Maître des Grecs, à son tour, le christianisme persuade, il ne contraint pas ; libre, mais sans licence, simple dans ses discours, le vrai chrétien exprime sa pensée sans déguisement… Jamais il ne se livre à l’emportement, fût-il haï, persécuté, méprisé… Il rend gloire à Dieu en labourant, en naviguant, en remplissant tous les devoirs de sa profession… À quoi sert une sagesse qui ne gouverne pas les mœurs du malheureux qui la professe ?… Il faut apprendre soi-même, quand on enseigne les autres ; car, dans un bon enseignement, il y a autant à profiter pour le maître que pour ses disciples. Enfin le Verbe divin a parlé à tous les hommes le même langage ; c’était lui-même qui parlait par la bouche des anciens philosophes, quand ils savaient résister aux profanes pensées, et c’était là une véritable et sainte philosophie ! » Saint Clément ajoute en finissant : « Dieu avait donné la philosophie aux Grecs, comme il avait donné la loi aux Hébreux, pour quelle leur servît d’introduction à l’Évangile. » Et, pour conclure avec la même verve dans l’induction et le même éclat dans