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L’ANTIQUITÉ ET LES PÈRES DE L’ÉGLISE.

mable et si charmante modération ! Novi enim moderationem et œquitatem animi tui, disait Lelius à Caton l’ancien.

Lactance était un des grands rhétoriciens de son temps ; il était un disciple d’Arnobe, un esprit de la même famille. Vers l’an 317, il fut envoyé dans les Gaules par l’empereur Constantin pour présider aux études de Crispe, son fils ; il vécut pauvre, il mourut pauvre ; toute sa vie il enseigna les belles lettres aux chrétiens attentifs. Dans le temps où il professait la rhétorique à Nicomédie, il parlait souvent à ses disciples des auteurs profanes. S’il reconnaît que la lecture des anciens offre des dangers, il le reconnaît à la façon du bon Plutarque lui-même, qui a écrit dans ses œuvres morales tout un chapitre : Comment il faut lire les poètes. L’idée, un seul instant, ne vient pas à Lactance de brûler la bibliothèque d’Alexandrie. « Platon, dit-il, nous a transmis beaucoup de choses sur l’unité d’un Dieu créateur de l’univers ; il rêva Dieu, il ne le connut pas. » C’est pourquoi il appelle Platon un sublime rêveur.

« Il faut, disait saint Cyprien, que non-seulement l’évêque enseigne, mais encore qu’il apprenne, et celui qui fait des progrès chaque jour et apprend les choses les plus parfaites enseignera beaucoup mieux. Au reste, à chacun son œuvre et son étude : au barreau et dans les déclamations publiques, l’éloquence étale ses richesses ; nous, austères pasteurs des peuples, nous nous contenterons de l’expression simple et pure de la vérité, laissant à qui les veut cultiver les artifices du langage. » Dans son admirable sermon sur l’unité de l’église, prêché à l’ouverture de l’assemblée du clergé en 1681. Bossuet explique de la même façon que l’église par le toutes les langues, parce que son langage est l’expression et l’unité de tous les peuples. Omnium linguis loquitur quia in unitate est omnium gentium, c’est une parole de saint Augustin. Donc toutes les langues, vous l’entendez, la langue sacrée et la langue profane, la langue ingénue et la langue savante ! l’église marche entre l’autorité des siècles passés et la majesté des siècles futurs. « Ayez confiance, j’ai vaincu le monde ! » ainsi par le l’Évangile. Et pourquoi le priver de ses langues de feu ? pourquoi lui fermer les portes antiques d’où il est sorti, les villes antiques où il a régné ? Saint Jérôme a loué saint Hilaire d’unir les beautés et les ornemens de la langue grecque à la majesté du langage français : Gallicano cothurno attollitur !

Si maintenant nous allons à saint Basile, archevêque de Césarée, un homme dont le génie égalait les vertus, « sans égal dans l’art oratoire, » disait Érasme[1], aussitôt nous rencontrons dans les œuvres du saint archevêque de Césarée un guide bienveillant, un maître accompli, un rare esprit qui s’accommode à merveille de ces historiens, de ces poètes

  1. Érasme a écrit la préface de l’édition de saint Basile, donnée par les bénédictins.