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pays les populations rurales. Mais, depuis l’avènement de George Ier jusqu’au règne de George III, de 1715 à 1760, il y avait eu plus d’une vicissitude dans la vie intérieure des whigs. Ils avaient été d’abord unis, puis divisés, et, vers la fin du règne de George II, leur faisceau s’était péniblement reformé. En 1715, le danger les avait tous ralliés : il s’agissait alors de prévenir le retour des Stuarts, auquel le ministère d’Oxford et de Bolingbroke avait sourdement travaillé depuis plusieurs années, et de faire triompher la succession protestante. La victoire une fois assurée et la sécurité revenue, les scissions éclatèrent. Sir Robert Walpole avait trop de génie et il y avait dans le parti whig trop d’hommes de talent pour que le pouvoir pût se partager entre eux. Il est, comme on sait, plus difficile en politique de manier ses amis que de faire tête à ses ennemis. Walpole, qui avait gouverné sans combat pendant plusieurs années, écarta successivement et jeta dans l’opposition tous ceux de ses amis qui auraient pu devenir ses rivaux. La faveur royale, une grande connaissance et un grand mépris des hommes, une dextérité sans égale dans le gouvernement des finances et du commerce, une audace tranquille égayée de bonne humeur contre ces orages de paroles où s’exhalent les ardeurs et où se dissipent les périls de la liberté, permirent long-temps à Walpole de déjouer les attaques de ses adversaires. À la fin, Walpole avait coalisé contre lui trop de haines, trop de talens et trop de passions ; il avait impatienté l’opinion publique par la trop longue durée de son pouvoir. Il fallut céder à cette clameur confuse de la foule qui s’élève contre ce qui dure :

Num tamen inveniet tam longa potentia finem ?

Walpole se retira après vingt ans de ministère. La crise au milieu de laquelle tomba Walpole créait de graves dangers et fit sentir la nécessité du rapprochement. Le plus habile des élèves de Walpole, Pelham, se consacra à cette œuvre et y fut secondé par un des bommes les plus sages de ce temps, le lord chancelier Hardwicke. Pelham parvint à réunir et à concilier les diverses sections du parti whig. Il ouvrit l’administration aux hommes les plus jeunes qui s’étaient distingués dans l’opposition, et entre autres à Pitt et à Grenville. La même pensée d’union avait survécu à Pelham. C’était cette politique qui avait enfin fait arriver Pitt, en 1756, à ce ministère qui donna un si grand éclat à la puissance anglaise. Quand George III monta sur le trône, le parti whig formait donc encore une fois un corps compacte et joignait a la force de l’unité le lustre des actes glorieux accomplis par l’Angleterre sous l’impétueuse et superbe impulsion de Pitt.

Les deux premiers George avaient parfaitement compris leur position vis-vis du parti whig, et, sauf de rares exceptions, s’étaient mon-