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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

qu’il redoutait et ne manquait pas une occasion de les trahir à la sourdine. Imprévoyant, décousu, versatile, il allait d’un bond de l’exaltation au désespoir, et, comme disait un de ses amis, mourait de joie le lundi et de peur le mardi. Ce vieux bonhomme n’a jamais été représenté qu’en charge ; la plupart des historiens n’ont pas rendu justice aux bonnes qualités de sa nature. Il était, par exemple, généreux jusqu’à la prodigalité : il entra au ministère avec une fortune énorme, et, au lieu de faire des économies à la façon de Grenville, après un demi-siècle passé au pouvoir, il se trouva ruiné. D’ailleurs il eut, sur plusieurs de ses contemporains, l’avantage de conserver jusqu’à sa mort des relations politiques nombreuses et importantes. Il faisait rire ses amis à ses dépens, mais il les gardait ; le mérite, pour ce temps-là, n’était pas mince.

À Newcastle se rattachaient plus particulièrement ceux qui servaient depuis long-temps dans le gouvernement, et surtout la meilleure tête du parti whig, lord Hardwicke, qui avait été, lui aussi, le collègue de Walpole et de Pelham, et leur plus utile conseiller. Lord Hardwicke avait quitté son siége de chancelier en 1756, mais il était toujours regardé comme le leader du ministère dans la chambre des lords.

John Russell, quatrième duc de Bedford, était le centre d’une autre section de whigs. Le nom de Russell et de Bedford a toujours occupé une place proéminente dans l’histoire de ce parti. Le Russell du XVIIIe siècle avait plus d’un trait que l’on retrouve dans son descendant, le chef actuel du parti whig. Il était partisan déterminé de la paix et de la liberté commerciale ; il remplit sans éclat, mais avec distinction, de grands emplois. On lui reproche de n’avoir pas eu assez de discernement dans ses amitiés et dans ses inimitiés politiques. Grand seigneur, homme de société avant tout, d’un caractère facile, ses convenances et ses goûts de société influaient sur ses relations de parti. De là le trait particulier du groupe auquel s’attachait son nom. Les hommes qui le composaient étaient whigs, mais whigs d’une morale politique relâchée. Ainsi on comptait dans son entourage Fox, le père de l’illustre Charles Fox, — Fox, créature et élève de Robert Walpole, le rival de Pitt dans la chambre des communes, orateur et ministre du talent le plus varié, le plus souple, mais accommodant ses opinions à toutes les circonstances et plus attaché encore aux profits qu’aux honneurs du pouvoir ; Rigby, intelligence subalterne, mais rusée, intrigant adroit, conscience vacillante à tous les courans d’intérêts, le type, en ce temps-là, de ces natures rampantes et insinuantes qui sacrifient tout à la conservation d’une place ; — lord Sandwich, homme du monde et de dissipations scandaleuses transformé en homme d’état, et qui fut un des plus dociles instrumens de George III.

Le gros des whigs, la masse intelligente, sensée, honnête du parti,