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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

a des courtisans de l’histoire comme il y en a de la fortune du présent ; il est des esprits toujours disposés à se laisser éblouir par les noms qui rappellent les actions éclatantes et bruyantes et à mépriser les hommes modestes qui n’ont pu réussir à étonner le monde par des coups de théâtre ; il y a des gens, comme dit Bossuet, « qui veulent croire que tout est faible dans les malheureux et les vaincus. » Ceux-là acclament les excentricités glorieuses de lord Chatham et dénigrent le rôle solide et obscur joué par lord Rockingham ; mais, tant que l’on comprendra dans le monde l’utilité d’une tradition de liberté et d’honnêteté politique fidèlement conservée, tant que l’on comprendra que c’est par la durée de ces associations de principes incarnées dans des hommes et désignées du nom de partis que les traditions politiques se transmettent et se perpétuent, il y aura toujours des esprits réfléchis et des consciences honnêtes pour apprécier l’œuvre accomplie par lord Rockingham et pour rendre à sa mémoire le tribut d’honneur qu’elle mérite.

Entre ces divers cercles politiques flottaient plusieurs hommes trop jeunes encore ou trop secondaires pour viser aux premières places. Les uns, — comme le duc de Grafton, jeune seigneur d’esprit facile et de mœurs légères, comme lord Shelburne, qui devait être un jour une des intelligences politiques les plus ouvertes de son pays, et qui fut le père du vénérable marquis de Lansdowne actuel, comme le marquis de Granby, un des meilleurs officiers anglais de son temps, le général Seymour Conway, l’ami d’Horace Walpole. Charles Yorke, le fils de lord Hardwicke, — oscillaient de la vertu de Rockingham au génie de Chatham. D’autres s’attachaient avant tout à leurs places et servaient sous tous les pavillons ministériels. Le nombre de ceux-ci s’accrut à mesure que la désunion, s’étendant dans le parti whig, diminua, pour les consciences intéressées et les ambitieux de bas étage, les chances et les profits de la fidélité politique. Cette classe fournit à George III son point d’appui dans le parlement. On l’appela le parti des amis du roi.


III.

George III montra, dès le premier jour de son règne, qu’il entendait que désormais aucun cabinet ne pût agir indépendamment de la volonté royale, qu’il ne voulait pas, suivant le mot de son grand-père, « qu’en Angleterre les ministres fussent le roi. » Aussitôt après la mort de George II, les ministres se rendirent à Carlton-House, résidence du nouveau souverain. Ils furent reçus par lord Bute, qui accabla les plus importans de protestations d’amitié. Le jeune roi affecta de les recevoir l’un après l’autre avant le conseil, et les assura que lord Bute