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LE GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF SOUS GEORGE III.

Rockingham, au duc de Newcastle, au duc de Grafton, qui se déclarèrent prêts à le seconder. Sur la prière du roi, il alla voir lui-même Pitt, que la goutte retenait dans sa résidence de Hayes. Pitt, pour réponse, dicta son ancien programme : la faculté pour lui de former en Europe un système d’alliances contre le pacte de famille ; la promesse que les officiers et fonctionnaires destitués seraient rétablis dans leurs emplois ; le concours du roi pour faire déclarer l’illégalité des general warrants et apaiser ainsi l’agitation dont Wilkes était le prétexte. George allait accepter ces conditions ; mais lord Temple, qui voulait que le roi se rendît à merci, refusa le ministère. Pitt, qui avait vis-à-vis de lui des obligations de famille et même d’argent, se crut forcé de céder aux répugnances de son beau-frère. On dit que ce fut à contre-cœur, et qu’après avoir signifié son refus aux avances de la cour, il se tourna vers lord Temple, et avec tristesse lui répéta les vers de Virgile :

 
Extinxti te meque, soror, populumque patresque
Sidonios, urbemque tuam.

Ce nouvel échec fut l’occasion des plus insupportables tracasseries pour George III de la part de Grenville. Cette fois, Grenville et le duc de Bedford, se croyant maîtres du roi, allèrent jusqu’à lui porter une remontrance écrite, dont ils lui infligèrent la lecture, qui dura plus d’une heure : « Si je n’avais fondu en eau, disait le roi en parlant de cette avanie, j’aurais suffoqué d’indignation. » Son parti fut pris. Tyrannisé par ceux dans lesquels il n’avait cherché que des instrumens, il espéra trouver un soulagement au moins en changeant de maîtres. Il fit encore un appel aux whigs par l’intermédiaire du duc de Cumberland. Ceux-ci décidèrent, dans une réunion à laquelle assistèrent dix-huit de leurs meneurs, qu’ils se rendraient aux vœux du roi ; ils crurent que leurs devoirs envers le pays ne leur permettaient pas de suivre plus long-temps Pitt et lord Temple dans leur ambitieuse abstention. Un ministère fut formé sous la direction du marquis de Rockingham et sans le concours de Pitt.

Le sort du ministère Rockingham est un des exemples les plus décourageans de l’impuissance dont sont trop souvent frappées en politique les bonnes intentions et les bonnes actions. Ce ministère ne dura qu’un an ; mais, en une année, il fit les deux choses qui auraient prévenu les malheurs vers lesquels marchait l’Angleterre, si le sort d’un peuple ne tenait qu’aux mesures de son gouvernement, s’il ne subissait plus encore l’influence des accidens qui naissent de la mobilité des faits et du caractère des hommes. Le marquis de Rockingham fit abroger la loi du timbre qui avait soulevé l’Amérique; il fit passer une loi déclarative dans laquelle le parlement abandonnait le droit de taxer les colonies : voilà pour l’Amérique. Il fixa la législation