Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/282

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
276
REVUE DES DEUX MONDES.

nous. Il est dur d’y renoncer. Nous ne l’avons certainement plus. Une tenue convenable, tempérée, ferme, peut nous la ramènera la longue ; — des efforts actifs, jamais. Tout notre mérite sera de savoir supporter cette disgrâce même sur une plus grande échelle ; des manifestations réitérées d’opposition ne feraient que nous user davantage. Je crois cependant que nous devons à nous-mêmes de laisser à l’avenir une pièce justificative, mais sans nous figurer qu’elle puisse avoir le moindre résultat immédiat. Si le retour de la saison (une saison, c’est sept ans ou plus en politique) nous en rapporte le fruit, c’est tout ce que je demande. » À la même époque, le duc de Richmond exprimait le même sentiment sur la situation. « La conduite qui peut soulever le moins d’objections pour le moment, écrivait-il au marquis de Rockingham, serait de faire acte de présence et d’opposition sur les grandes questions, dans une attitude de découragement et de tristesse, ou bien si nous avons des amis disposés à aller plus loin, de demander des enquêtes sur les dépenses publiques, car j’ai si mauvaise opinion de nos concitoyens que je suis persuadé que rien ne pourra les émouvoir, si ce n’est l’obligation de payer. Injustice, rapine, meurtre, désolation, perte de la liberté, tout cela, nous Anglais, nous pouvons l’infliger aux autres ou le subir nous-mêmes ; mais, quand il s’agit de payer, nous commençons à murmurer. » En 1780, le duc de Richmond écrivait avec un redoublement de douleur : « Il y a long-temps que je vois et dis que nous ne devons nous attendre qu’à la misère et à la ruine. Toute intervention de notre part ne nous attirera que vexations nouvelles. Une nation qui a supporté sans bouger tout ce qu’elle a subi et la perte évidente de sa liberté, une nation qui se tourne contre les meilleurs amis de la liberté et les confond avec ses pires ennemis, une pareille nation ne peut être sauvée. » Le désespoir du duc de Richmond s’était encore accru en 1781 : « Une stupidité et une indolence générales, écrivait-il, semblent s’être emparées de la nation ; elle a perdu son caractère. Ce qui nous confondait d’étonnement dans l’histoire des autres peuples, lorsque nous les voyions passer, avec une lâche soumission, de la liberté au despotisme, nous le voyons s’accomplir sous nos yeux, et nous n’y pouvons rien ! Le petit nombre d’hommes qui seraient encore capables de quelques efforts se gaspillent dans une petite politique de palliatifs et agissent sans ensemble et sans système. »

Le pauvre marquis de Rockingham essayait en vain de ranimer le moral de son parti. « C’est faute de ces palliatifs, répondait-il, dont vous dédaignez la petitesse, que l’Angleterre expire. Ils répareraient au moins un peu les effets de son mal et donneraient peut-être le temps à la sagesse, à la sobriété, à l’attention des honnêtes gens, de rétablir sa constitution aujourd’hui si misérable et si ruinée. » Poussé à bout