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renouvelé. L’église agit sur toutes choses, mais par une puissance morale et secrète qui ne ressemble en rien à ce que sera plus tard son autorité au moyen-âge. Nous ne trouvons, dans cette première floraison du catholicisme, rien qui fasse pressentir ni le code théocratique de M. Donoso Cortès, ni la philosophie impérative du père Ventura, ni la littérature puritaine du Ver rongeur.

Quoi de plus contraire, par exemple, aux théories politiques de M. Donoso Cortès que la constitution de l’empire au IVe siècle? Une démocratie militaire tout entière incarnée dans un homme : cet homme investi, il est vrai, de tous les pouvoirs, mais habituellement justiciable de l’insurrection de ses peuples et de ses soldats; nul corps intermédiaire, une vaine ombre d’aristocratie de cour, voilà ce qu’était la constitution impériale. C’est nous reporter bien loin de la hiérarchie savante qu’on nous donne comme l’essence de la politique catholique. Nous défions pourtant M. Donoso Cortès de trouver dans aucun des actes de l’église au IVe siècle la moindre tentative, même indirecte, pour apporter le plus léger changement à l’état politique de l’empire. Cette grandeur surhumaine attachée à la personne de l’empereur qui avait engendré tant d’abus et fait tourner de si fortes têtes, l’église l’accepte avec déférence, elle se refuse seulement à l’adulation superstitieuse. Elle admet l’obéissance, elle dénie l’adoration et l’apothéose. Elle met l’empereur aussi loin qu’il veut au-dessus des hommes, pourvu qu’il consente à se mettre plus loin encore au-dessous de Dieu. Nulle prétention de faire elle-même ou de défaire les souverains à volonté. Elle n’a point sacré Constantin : elle ne dépose ni l’arien Constance, ni l’apostat Julien. Encore un coup, ce n’est pas la force, c’est la volonté qui lui manque pour s’emparer, sur les affaires temporelles de l’empire, de ce domaine éminent que revendiquent pour elle les théoriciens modernes. Tout le monde faisait des césars dans l’empire romain : une cohorte enivrée, une province rebelle, une populace ameutée portait ses favoris sur le pavois. Les évêques seuls ne prennent jamais part à ces élections turbulentes. Assez puissant pour amener Théodose pénitent au pied de son tribunal spirituel, saint Ambroise, qui exigeait la soumission du fidèle, respectait l’indépendance de l’autorité impériale. Tempérer ainsi, par une intervention hardie autant que miséricordieuse, la rudesse habituelle du commandement, arrêter le glaive levé sur des rebelles ou les armes aiguisées pour les discordes intestines, faire apporter par des rescrits impériaux des modifications pleines de douceur à la rigueur des anciennes lois civiles de Rome, voilà tout le rôle politique de l’église au iv, siècle, c’est-à-dire à l’époque où, n’ayant rien perdu ni de sa vigueur native ni de sa pureté originelle, elle soulevait le monde par la force de cet esprit vivifiant qui arrivait directement du Calvaire à travers les catacombes.