Page:Revue des Deux Mondes - 1852 - tome 16.djvu/446

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

curieux et admirables à étudier, nous en convenons facilement. Cependant, si de l’étude il s’agissait de passer à l’imitation, si l’on entendait proposer les exemples du moyen-âge comme des modèles, non-seulement de piété intérieure, mais de science et de conduite pour les catholiques de nos jours, si l’on entendait engager la propagande religieuse (qui se fait autour de nous avec tant d’activité et de succès) à reproduire aussi exactement qu’elle pourrait les traditions du XIIIe siècle, nous demanderions à faire de grandes et de sérieuses distinctions; nous demanderions à rappeler ce que nous avons dit au début de cette étude, c’est qu’entre l’état présent de notre société et celui du monde il y a quatre ou cinq cents ans, il existe fort peu de rapports, et qu’il est douteux que les méthodes qui réussissaient alors soient aujourd’hui couronnées du même succès. Quand tout est changé autour de la religion, il faut nécessairement qu’elle change elle-même; non pas de fond, à Dieu ne plaise, non pas même de formes extérieures dans tout ce qui touche à la foi, mais d’armes de défense et de moyens d’introduction. Aujourd’hui, comme au XIIIe siècle, la vérité chrétienne est le résumé de toute vérité et comme le centre du monde moral. Seulement la route à suivre pour y parvenir, suivant qu’on est placé à l’orient ou à l’occident de ce point central, est essentiellement différente. Bien qu’on tende au même but, on ne peut ni se servir des mêmes cartes ni se guider sur les mêmes astres. Or c’est précisément là la différence des temps présens et des temps passés. En toutes choses, le point de départ de la société française d’aujourd’hui est exactement l’opposé de celui de la société d’autrefois. L’une souffrait des défauts, l’autre souffre de l’excès de civilisation. On dirait que la civilisation elle-même a décrit un hémisphère, et qu’elle se trouve aujourd’hui placée à l’antipode de sa station primitive.

Nous avons déjà dit quelques mots de cette différence des points de départ en ce qui touche la philosophie. La société du moyen-âge, simplement croyante et parfois crédule, avait, dans toute recherche philosophique, la foi dogmatique pour base et pour principe. Expliquer la foi, c’était toute son œuvre. Nous avons fait pressentir déjà pourquoi nous ne pensons pas que, tout en admirant ce pieux et sain état d’esprit, tout en souhaitant sincèrement qu’il renaisse, on puisse essayer de transporter parmi nous la méthode philosophique qui en était sortie. La raison en est si simple, qu’elle a presque l’air d’une niaiserie. La philosophie parmi nous ne peut avoir la foi pour point de départ, parce qu’on ne part que du lieu où l’on est déjà. Or, la société française n’est point assise dans la foi; elle erre au contraire dans le doute; le doute est son point de départ, comme la foi était celui du moyen-âge. Nous ne disons pas, à coup sûr, que ce soit un bien dont il faille s’applaudir; mais c’est un fait avec lequel il faut compter. Pour amener les gens à la lumière que nous catholiques nous croyons fermement