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labrement de cette propriété. Cependant Beaumarchais, à son retour d’Espagne, paraît toujours décidé à épouser Pauline. Il pense à laisser mettre par les créanciers l’habitation en vente et à la racheter sous main : on lui assure que, bien administrée, elle peut rapporter un revenu considérable ; mais bientôt entre sa fiancée et lui s’élèvent des orages occasionnés d’abord par ses légèretés. Au milieu de ces orages, il entend dire que le chevalier de S…, qui s’était présenté comme aspirant à la main de sa sœur Julie, a des vues sur Pauline. Le chevalier s’en défend très vivement dans une lettre à Beaumarchais qui se termine ainsi :


« Il me semble, monsieur, qu’une histoire contrefaite doit trouver moins de crédit à vos yeux qu’à d’autres, et parce que vous les avez meilleurs, et parce que vous avez été toute votre vie en butte à de pareils contes. Au reste, je vous supplie de croire que je ne vous écris pas pour obtenir grâce, mais parce que je me dois et à Mlle Le B… de faire connaître la vérité sur un point qui la compromet, et parce qu’il me serait dur et très dur de perdre votre estime. »


Pauline, interrogée de son côté, répond à Beaumarchais par le billet fort sec que voici, et qui indique déjà un changement considérable dans ses sentimens :


« Comme j’ignorais avant votre lettre le projet de M. le chevalier et que je n’entends rien à tout ceci, vous me permettrez de m’en instruire avant de vous répondre. À l’égard du reproche que vous me faites au sujet de Julie, je ne crois pas le mériter : si je n’ai pas envoyé savoir de ses nouvelles aussi souvent que je l’aurais dû, c’est qu’on m’a assuré qu’elle se portait beaucoup mieux et qu’on l’avait vue à sa fenêtre, ce qui m’a fait penser que cela était vrai. Si ma tante n’était pas malade de son érésipèle, ce qui m’empêche de sortir, j’irais sûrement la voir : je l’embrasse de tout mon cœur. »


Les deux accusés étaient peut-être innocens encore à ce moment, si j’en juge par la lettre d’un cousin de Pauline, ami de Beaumarchais, très maltraité par lui à ce propos et qui lui répond : « Quand d’un esprit plus tranquille vous m’aurez rendu justice, je vous parlerai à cœur ouvert, et je vous prouverai que vous qui condamnez si aisément les autres êtes plus coupable que ceux que vous croyez dissimulés, traîtres ou perfides. Rien de si pur que le cœur de la chère Pauline, de plus grand que celui du chevalier et de plus sincère que le mien, et vous nous regardez tous trois comme des monstres ! » La même lettre indique que Beaumarchais irrité ne voulait plus alors épouser Pauline, car elle contient le passage suivant : « Vous me recommandez le secret sur votre lettre ; soyez tranquille, il sera gardé, mais je trouve singulier que vous preniez le parti de ne pas vous unir avec Mlle Le B… et que vous exigiez que je ne le dise pas. »

Que se passe-t-il entre la date de cette lettre (et par parenthèse, c’est presque la seule qui soit datée, ce qui a rendu le débrouillement de