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rempli l’Europe du bruit de leur renommée? Dans ce moment surtout, lorsque l’Allemagne semble vouloir rompre tous les liens qui la rattachent à l’école italienne, lorsqu’un groupe d’esprits faux et aventureux, tels que MM. Richard Wagner et Listz, s’efforcent de créer une école impossible, qui serait la négation de toutes les lois sanctionnées par le temps et par les chefs-d’œuvre qu’elles ont enfantés, il nous a paru utile de faire une excursion dans le passé, de raconter la vie d’un compositeur et d’une cantatrice illustres qui ont été l’expression d’une période brillante de l’histoire de la musique dramatique en Allemagne. Aussi bien on a publié depuis quelque temps au-delà du Rhin plusieurs livres intéressans, qui touchent par quelques points au sujet que nous voudrions traiter. Nous signalerons entre autres une fort bonne histoire de l’art dramatique en Allemagne, par Edouard Devrient[1], qui nous a fourni plus d’un renseignement curieux sur la création des premiers théâtres lyriques dans la patrie de Gluck, de Mozart et de Weber.

Jean-Adolphe Hasse est né à Bergdorf, petite ville dans les environs de Hambourg, le 25 mars 1699. Fils d’un pauvre organiste qui était à la fois maître d’école, il reçut de son père les premières notions de l’art qui devait illustrer son nom, puis il alla continuer ses études dans la grande ville anséatique qui était alors le centre d’un remarquable mouvement musical. D’heureuses dispositions, une physionomie agréable et une très belle voix de ténor le firent remarquer d’un poète influent, Ulrich Kœnig, qui le recommanda au directeur de l’opéra de Hambourg, au célèbre Keiser, homme de génie qu’on peut considérer comme le premier compositeur qui ait essayé d’écrire de la musique dramatique d’après des paroles allemandes. C’est en qualité de virtuose que Hasse débuta, en 1718, au théâtre de Hambourg dans les opéras de Keiser, dont les conseils ont eu la plus grande influence sur le développement de ses facultés. Les succès qu’il obtint d’abord dans cette carrière difficile, et quelques morceaux de sa composition qui annonçaient du talent, lui valurent bientôt une nouvelle recommandation de Kœnig. Ce poète adressa le jeune Hasse à la petite cour de Brunswick, où il arriva en 1722. Il parut d’abord comme chanteur sur le théâtre de cette résidence, où il fit représenter un an après, en 1723, son premier opéra, Antigonus, qui eut un très grand succès et qui lui valut la protection du prince. Cet opéra, qui, vraisemblablement, ne renfermait qu’un ou deux morceaux agréables plus ou moins développés, laissait aussi apercevoir tout ce qui manquait encore à l’instruction du jeune compositeur. Le duc de Brunswick se décida donc à envoyer Hasse en Italie pour y perfectionner ses études musicales.

  1. Geschichte der deutschen Schauspielkunst, 3 vol. petit in-4o, Leipzig, chez J,-J. Weber.