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Faustina une notice intéressante, a laissé ce point sans solution[1]. Il est certain cependant que Hasse et sa femme étaient à Venise dans l’hiver de 1739 à 1740, car le président De Brosses, qui s’y trouvait, entendit la Faustina, dont il loue le caractère et le talent en ajoutant que la voix de cette femme extraordinaire n’était plus alors d’une extrême fraîcheur.

Après la mort du roi de Pologne Auguste II, arrivée en 1733, son fils lui succéda sous le titre d’Auguste III. C’était aussi un prince fastueux, grand chasseur, grand amateur de musique italienne, qui se laissa gouverner toute sa vie par son premier ministre, le comte de Brühl. Sous ce règne débile, où les fêtes, les spectacles, les arts et les plaisirs de toute nature absorbaient l’esprit du roi et les revenus de l’état, survint la guerre de sept ans, qui bouleversa l’Allemagne et compromit l’indépendance de la Saxe. Le grand Frédéric entra deux fois à Dresde l’épée à la main, et d’abord en 1745, après la bataille de Kesselsdorf. Le vainqueur assista le soir même à l’opéra italien, où l’on donnait Arminio de Hasse. Il fut émerveillé du talent de Faustina et de l’excellent orchestre qui l’accompagnait. Pendant les neuf jours que Frédéric passa dans la capitale de la Saxe, Hasse fut appelé chaque soir auprès du roi dilettante, qui, en partant, lui témoigna sa satisfaction par le don d’une bague en diamans et en lui faisant distribuer la somme de 1,000 thalers aux musiciens de l’orchestre. Le roi de Prusse revint à Dresde d’une façon moins polie en 1760, en assiégeant la ville à coups de canon. C’est pendant ce bombardement, dont l’histoire a gardé un triste souvenir, que le pauvre Hasse vit brûler une partie de ses manuscrits qu’il avait réunis pour une édition complète de ses œuvres dont le roi de Pologne faisait les frais. Le siège de Dresde et la guerre qui l’avait amené eurent des résultats plus graves encore pour Hasse que la perte de ses manuscrits. Le roi de Pologne, éprouvant le besoin de mettre un peu d’ordre dans ses finances délabrées, délia son maître de chapelle de son serment de fidélité, et le récompensa de ses longs services passés par une forte pension. Hasse et la Faustina quittèrent donc la cour de Saxe en 1763, après la mort d’Auguste III, et se retirèrent à Vienne, où le maestro sexagénaire continua à écrire des opéras pour les fêtes de la cour impériale. En 1771, il se rendit à Milan, où il composa sa dernière œuvre, lRuggiero, pour le mariage de l’archiduc Ferdinand, et puis il se retira à Venise, où il est mort de la goutte le 16 décembre 1783, âgé de près de quatre-vingt-cinq ans.

Comme il faut qu’il y ait toujours un peu de mystère dans l’histoire des belles cantatrices, on ne sait pas au juste en quelle année la

  1. Voir cette notice dans l’ouvrage intitulé Für Freunde der Tonkunst (Pour les Amis de l’Art musical), 4 vol. in-8o ; Leipzig, 1824.