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vient de perdre un des hommes qui ont joué un grand rôle dans ces dernières années, l’abbé Vincenzo Gioberti, mort récemment à Paris.

L’Autriche continue de profiter avec bonheur de toutes les chances que la fortune lui offre comme à plaisir. Pendant qu’un nouveau congrès se tient à Vienne pour débattre un projet d’union commerciale des états allemands du midi, la diplomatie autrichienne réalise avec Parme et Modène un premier essai d’association douanière austro-italienne, dont elle avait précédemment jeté les bases par des conventions pour les postes et les chemins de fer. L’Autriche est donc en veine de succès en Italie comme en Allemagne. Tout en redoutant que la fondation d’un Zollverein austro-germanique ne ramène naturellement sur le tapis le fameux projet d’incorporation de toute l’Autriche à la confédération, nous ne pouvons qu’admirer une si grande activité dirigée par une prudence si ferme. La sagesse du gouvernement autrichien n’éclate pas moins dans la promptitude avec laquelle il a pacifié les esprits dans celles des provinces de l’empire qui semblaient le moins disposées à accepter leur défaite. Ce n’est pas que toute activité ait cessé et que la vie politique se soit éteinte parmi les populations qui ont déployé de part et d’autre tant d’activité sur les champs de bataille de la Hongrie, mais elles sont retournées sans peine à des occupations plus pacifiques ; les animosités de races n’ont point disparu, mais elles sont redevenues purement littéraires. Chacun des peuples qui se sont trouvés engagés dans les événemens de Hongrie tient à ce que la politique qu’il a suivie en cette occasion soit bien appréciée. Exposer en détail le rôle qu’ont joué les Valaques dans cette lutte de races, tel est le but que s’est proposé un jeune écrivain de la Transylvanie, M. Ilarianu, dans une publication récente et vive, sous le titre d’Istoria Romaniloru din Dacia superiore, titre qui montre assez la parenté de l’idiome roumain avec les langues latines. Ce travail nous intéresse aussi par la place qu’il assigne dans la querelle politique et littéraire des races aux vues exposées ici même par un de nos collaborateurs au plus fort de la guerre de Hongrie<ref>Voyez divers articles publiés dans la Revue, de 1848 à 1850, par M. Desprez sur la Révolution dans l’Europe orientale.<ref>.

En Turquie, un incident déplorable est venu jeter une fâcheuse lumière sur la crise que nous indiquions récemment. Deux principes sont aujourd’hui aux prises dans ce malheureux pays pour une lutte suprême et qui sera décisive : d’un côté le vieil islamisme dans son antique barbarie, moins la foi primitive et l’ardeur belliqueuse qu’elle inspirait ; de l’autre une honorable pensée de civilisation puisée aux sources européennes, mais malheureusement représentée par un parti dont l’énergie n’égale pas l’honnêteté. L’un ne peut plus gouverner la Turquie sans compromettre l’existence de l’empire, l’autre n’a pas encore assez de virilité pour lui rendre un nouveau principe de vie à la place de celui qu’il a perdu. Quoique tenus depuis long-temps en dehors du pouvoir, les vieux Turcs peuvent encore par momens invoquer avec succès l’appui des passions populaires et réveiller, sinon le fanatisme de la foi, du moins celui du désespoir. Bien que le parti de la réforme soit depuis plusieurs années en possession des hautes fonctions administratives, il se sent impuissant toutes les fois qu’il se trouve directement aux prises avec un pré-

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