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percevaient pas quel étrange service ils rendaient à cette liberté ; ils ne voyaient pas qu’ils mettaient eux-mêmes dans la plus palpable évidence la nécessité d’une répression plus efficace, et qu’ils y ramenaient naturellement les esprits les plus portés à aimer les franchises de la parole. Il faut l’ajouter d’ailleurs : la loi nouvelle n’est point une loi contre la presse, mais sur la presse ; elle n’en réprime que les plus condamnables excès, laissant toute latitude à la loyale et honnête discussion. Aussi, malgré les répugnances de certains libéraux, ne croyons-nous pas que les chambres belges refusent de sanctionner sur ce point le programme du nouveau ministère. Quant à l’arrangement des différends commerciaux avec la France, comment la bonne intention du cabinet belge pourrait-elle être mise en doute, puisqu’il vient au monde pour cela ? Dans la séance du 3 de ce mois, le ministre des affaires étrangères déclarait qu’une politique qui consisterait à ne point traiter avec la France serait une politique insensée. Il est donc présumable que d’ici à peu cette question entrera dans une phase nouvelle. Après cela, il restera encore assez à faire à la Belgique au milieu de la lutte intérieure des opinions et des chocs de deux partis aspirant également au pouvoir et également impuissans pour le moment à l’exercer.

À considérer la Belgique, au reste, comme plus d’un autre pays dans le midi de l’Europe, on ne peut se dissimuler que le système parlementaire traverse une de ces crises où un régime politique se retrempe et s’affermit, quand il n’est point emporté au courant des réactions triomphantes. Autant ce régime a eu des jours prospères où l’avenir lui semblait assuré, où le vent enflait ses voiles en quelque sorte, autant il a aujourd’hui des difficultés de vivre là où il existe. On lui fait expier bien des fautes qu’il n’a point commises, et qui, dans tous les cas, sont toujours moins imputables aux institutions qu’à ceux qui les pratiquent. Il paie pour les révolutions, et voilà son malheur. À ces complications évidentes et suffisamment graves de l’heure où nous sommes, seulement il ne faudrait pas ajouter les difficultés factices que font naître les jeux secrets de la vie publique et de l’ambition des hommes. L’existence du régime parlementaire a-t-elle été en question ces jours derniers à Turin, à l’occasion de la crise ministérielle qui vient d’avoir lieu ? On l’a beaucoup dit, on l’a beaucoup soupçonné du moins : en présence de la démission de M. d’Azeglio, le roi Victor-Emmanuel s’est entouré de conseils ; il a appelé un moment MM. de Balbo et de Revel ; cela a suffi pour faire croire à la suspension prochaine du statuto. Qu’est-il arrivé cependant ? C’est que MM. de Balbo et de Revel n’ont cessé d’apporter dans ces négociations délicates une honnêteté et une loyauté dont leurs adversaires eux-mêmes leur ont dû le témoignage. Qu’on nous permette de le dire : là n’était point la vraie question qui s’agitait. Au fond, la moralité de toute cette crise ministérielle est celle-ci : enfin M. le comte de Cavour est président du conseil ! Le seul changement notable en effet qui ait eu lieu dans le cabinet piémontais est celui qui fait passer la présidence de M. d’Azeglio à M. de Cavour, lequel reprend en même temps le portefeuille des finances, qu’il avait quitté il y a quelques mois. D’un autre côté, M. d’Azeglio est remplacé, comme ministre des affaires étrangères, par le général Da Bormida, homme de guerre dont les talens diplomatiques se révéleront sans nul doute. Les autres ministres