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elle aussi, de cette lassitude qui semble gagner certains peuples, et qui a tous les caractères d’une contagion. Il n’en faudrait point trop vite conclure que les peuples font abandon de tout ce qu’ils ont voulu, aimé et souhaité ; mais, pour le moment, ils font bon marché de ce qui est purement politique. Le développement des intérêts sourit mieux à leur goût du bien-être et à leurs déceptions de tout ce qui n’est point positif. L’Espagne est dans cette période. Ce qui fait la force jusqu’ici du ministère espagnol, c’est que d’abord il a la confiance du seul pouvoir tout-à-fait incontesté au-delà des Pyrénées, — la reine ; c’est qu’en outre il s’est attaché de préférence à cet ordre d’améliorations positives où les peuples semblent aujourd’hui reporter leur activité. Tel, est le cachet de toutes ses mesures administratives, financières, industrielles. On parle en ce moment à Madrid de la création d’un ministère d’outre-mer, de l’abolition des monopoles du sel et du tabac. Au nombre des mesures déjà réalisées, une des plus sérieuses est celle qui, il y a peu de temps, opérait une nouvelle conversion de la dette. Les porteurs de la dette différée étaient autorisés à échanger leurs titres contre de la dette consolidée. Le résultat de ce décret, fait pour rehausser le crédit de l’Espagne, c’est de procurer aux créanciers la facilité de toucher un intérêt auquel ils n’auraient droit qu’en 1870. Quant à l’état, il assume, pour les huit premières années, un surcroît de dépense de 13 millions de réaux, compensé par une économie de 24 millions dans les dix années suivantes. Le développement des intérêts de l’Espagne peut trouver sa mesure dans les états du commerce qui sont régulierement publiés. On a maintenant celui de 1851. Ici encore il y a un progrès de près de 30 millions de réaux sur 1850. Les importations ont été en 1851 de 687 millions, les exportations de 497 millions de réaux. Le progrès n’est point cependant aussi considérable que de 1849 à 1850, période pendant laquelle il y avait eu un accroissement de 100 millions de réaux. Ce qu’il y a à remarquer, c’est que cet accroissement porte surtout sur les importations ; les exportations sont presque stationnaires. Cela ne prouve-t-il pas que le travail national a encore de la peine à se développer ? Les voies de communication qui se multiplient aujourd’hui peuvent seconder son essor ; mais il y a deux conditions essentielles : la première, c’est que la fièvre des spéculations aventureuses ne fasse point avorter le mouvement industriel qui se poursuit en Espagne ; — la seconde, c’est que l’instabilité politique ne renaisse point des efforts qu’on va tenter pour mieux asseoir les institutions et le pouvoir.

Le parlement nouveau s’est ouvert en Angleterre avec tout le cérémonial habituel dans ce pays de tradition et de liberté. Le ministère de lord Derby a prudemment mis un terme à la question par trop rétrospective de la liberté du commerce ; il a très bien senti qu’en présence des éventualités de l’avenir et des difficultés du présent, il fallait débarrasser la situation de cette question oiseuse, qui ne pouvait servir qu’à augmenter les dangers actuels. Assez d’autres embarras se présenteront. La protection est donc dès à présent entièrement morte ; lord Derby a prononcé son oraison funèbre à la chambre des lords sans trop d’attendrissement ; M. Disraeli, bien que moins explicite, a donné la même assurance à la chambre des communes. Les deux chefs du cabinet se réservent seulement le droit de proposer au parlement les mesures qu’ils jugeront propres à donner une compensation aux intérêts qui ont été