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italien ni l’art français. A part la petite colonie architecturale des églises de l’Aquitaine, l’art byzantin, dont le génie est complètement opposé au génie de l’art français, n’a exercé son influence sur nos monumens que pour des détails tout-à-fait secondaires. M. de Vernheil, dans les conclusions de son travail, cherche surtout à établir ce fait, qu’on a, suivant lui, trop méconnu : c’est que l’art français a eu à toutes les époques une initiative et une originalité propres, et qu’il a beaucoup moins emprunté qu’on ne le pense généralement. Nous nous rallions complètement à cette opinion, dont la justesse d’ailleurs est confirmée par une publication nouvelle, les Archives de l’art français.

A part l’architecture religieuse, qui a été dans ces dernières années étudiée à fond, les autres branches des beaux-arts, sculpture, peinture, gravure, n’ont donné jusqu’ici qu’un petit nombre de monographies, ou quelques ouvrages généraux, parmi lesquels il en est de très estimables, mais que le manque de documens suffisans a rendus nécessairement incomplets. L’Italie, la Hollande et l’Allemagne nous ont devancés depuis long-temps dans ce genre d’études, et c’est pour combler cette lacune importante que M. de Chennevières a entrepris la publication des Archives de l’art français. Inspecteur des musées de la province et initié par de longues et fortes études à la connaissance intime du sujet, M. de Chennevières a exploré un grand nombre de dépôts littéraires et de musées; il a fait appel à tous les amateurs; cet appel a été entendu, et il a réuni, de tous les points de la France, un nombre considérable de renseignemens. Son but, quant à présent, n’est point de faire l’histoire de l’art, mais seulement d’en réunir tous les matériaux, de coordonner dans un vaste ensemble les documens jusqu’à ce jour oubliés. Déjà le volume que nous avons sous les yeux promet une collection très importante. Ce volume embrasse, non-seulement le moyen-âge, mais notre époque elle-même; Nicolas Poussin, Charles Lebrun, Mignard, y figurent auprès de David et de Géricault, et, à côté des noms qui appartiennent à la France entière, se placent les noms plus modestes de quelques-uns de ces artistes provinciaux que M. de Chennevières a déjà vengés d’un injuste oubli. Il y a là, pour l’histoire des arts et des lettres dans notre pays, des pages intéressantes et souvent glorieuses; on y trouve la preuve irrécusable de ce fait, qu’à toutes les époques le sentiment du beau fut populaire en France, et que tous les gouvernemens, de quelque nom qu’on les ait nommés, entraînés en quelque sorte par l’irrésistible courant de l’opinion publique, ont compté les intérêts des arts, aussi bien que ceux de la science, au nombre des grands intérêts du pays. Dans une fort belle lettre de Charles Lebrun au chancelier Séguier, lettre publiée pour la première fois dans les Archives de l’art français, ce grand peintre dit « qu’il a toujours eu une inclination très forte. rechercher les belles curiosités, et que l’un de ses principaux soins a été de rassembler dans un volume raccourci les marques des grandeurs de l’ancienne Rome. » Ce que Lebrun faisait pour Rome, M. de Chennevières l’a entrepris pour la France, et les amateurs des belles curiosités ne peuvent manquer d’encourager son œuvre et d’y contribuer chacun pour sa part, en lui communiquant les documens qui, jusqu’à ce jour, sont restés enfouis et dispersés dans une foule de collections publiques et particulières.

Au-dessous des artistes, sculpteurs, peintres et graveurs, qui occupent les hautes régions, se pressent en foule des artistes plus modestes, calligraphes,