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s’est porté sur Hagen, adolescent de haute lignée, sorti de la vraie race des Troyens. Le roi des Huns accepte les présens et l’otage, accorde la paix et se dirige à l’est des Gaules vers le pays des Burgondes.

C’était Herric le riche et le vaillant qui gouvernait cette contrée, et près de lui grandissait sa fille unique, son plus cher amour et l’héritière de tous ses trésors, Hildegonde, la perle de Burgondie. Herric se trouvait par hasard à Châlon quand l’armée des Huns déboucha sur les rives de la Saône. La terre, foulée sous les pieds de tant de chevaux, rendait un sourd gémissement ; le son des boucliers, répercuté dans l’air, retentissait comme un tonnerre lointain, et la campagne, couverte d’une forêt d’acier, semblait lancer des éclairs. « Tel, ajoute le poète que nous ne faisons que suivre en le raccourcissant, tel le soleil, aux extrémités de l’Orient, éclate en jets lumineux, lorsqu’à l’aube du jour son globe ardent repousse et fend l’Océan soulevé. » Or voici que la sentinelle qui fait le guet sur les murs de Châlon, levant les yeux au ciel, s’écrie avec terreur : « J’aperçois là-bas un nuage de poussière ; c’est l’ennemi qui vient : fermez les portes ! » Le conseil des Burgondes s’assemble. « Je sais, dit le roi, ce qui s’est passé chez les Franks. Si ce vaillant peuple a cédé, pourquoi ne céderions-nous pas ? Mes trésors seront à Attila ; j’ai encore une fille unique que j’aime plus que mes yeux, mais je la donnerai volontiers en otage pour sauver le pays des Burgondes. » Aussitôt des envoyés partent ; Attila le grand chef les accueille bien, suivant son usage, et leur dit : « J’aime mieux alliance que bataille ; les Huns veulent régner plutôt par la paix que par les armes ; mais, si on leur résiste, ils tirent l’épée et frappent, quoi qu’ils en aient. Si donc votre roi vient à moi, et s’il me donne la paix, je la lui rendrai. » Herric sortit de Châlon emmenant sa fille et se faisant suivre de ses trésors ; il offrit les uns et laissa l’autre en otage. C’est ainsi que la perle de Burgondie partit pour un lointain exil.

Restaient en Gaule les Aquitains, c’est-à-dire les Visigoths. Attila ne voulut pas retourner chez lui sans les avoir aussi visités. Il marche donc à grandes journées dans la direction de l’ouest, mais les Aquitains ne l’attendent pas ; leur roi Alfer, qui ne croit point se déshonorer en suivant l’exemple des Burgondes et des Franks, s’avance au-devant de lui avec son fils Walter, qu’il lui présente comme otage. Walter, dans la première fleur de la jeunesse, porte au fond de son cœur le germe du héros. Il trouve sous les tentes des Huns Hildegonde, qui est sa fiancée, car Alfer et Herric se sont fait serment jadis d’unir leurs enfans sitôt que l’âge du mariage serait venu. Vainqueur par sa seule présence, Attila n’a plus qu’à regagner les bords du Danube : il donne le signal du départ, et l’armée des Huns s’achemine joyeuse, emportant dans ses bagages d’immenses richesses et trois jeunes otages de royale lignée, Walter, Hagen et Hildegonde.