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payer à son mari la mort de son père assassiné. » Enfin nous trouvons une dernière circonstance du fait chez un chroniqueur du XIIe siècle : « Cette jeune fille, dit-il, avait été enlevée de force après le meurtre de son père. » C’était donc une opinion répandue et accréditée dans le monde entier, dès le lendemain de la mort d’Attila, que cette mort avait été violente et qu’elle avait été le fruit de la vengeance d’une femme.

Tels sont les témoignages qui nous viennent de l’antiquité; voyons si la tradition les confirme, et si, dans le nombre des femmes qu’elle prête à Attila, il s’en trouve quelqu’une dont les traits rappellent de près ou de loin ceux d’Ildico. Disons d’abord que ce nom, altéré par l’orthographe grecque, se compose de deux mots, dont le premier est infailliblement Hilde, et le second peut être interprété par Wighe ou par Gunde, de sorte que le véritable nom de la dernière épouse d’Attila serait Hildewighe ou Hildegunde, mots qui signifient tous deux guerrière, héroïne. Ce mot Hilde, toutes les fois qu’il se rencontre dans la composition d’un nom de femme, indique que cette femme est inspirée par Hilda, la Bellone des Germains, ou placée sous sa protection. Or, des quatre femmes que la tradition nous mentionne comme ayant exercé une action tragique sur la destinée d’Attila, trois portent dans leur nom la syllabe Hilde : ce sont Hilde ou Hilldr la Danoise, Hildegonde (Gunde ou Gude est une autre désignation de la déesse de la guerre) et Crimhilde, ou plus correctement Grimhilde, l’héroïne cruelle. Le nom de la quatrième, Gudruna, réunit les deux idées de guerre et de magie : Gudruna, c’est une femme vaillante et qui sait les runes.

Nous nous occuperons d’abord de la Danoise Hilldr, fille d’un roi que les uns appellent Hagen et les autres Hartmut (ame dure), Hettel ou Attila en est aimé et l’aime. Hilldr se laisse séduire et s’enfuit avec lui; mais Hagen, qui les poursuit, atteint le ravisseur et lui livre un furieux combat, à la suite duquel le gendre et le beau-père font la paix et s’embrassent. Hilldr est fragile, et son amour pour Attila a bientôt passé. Tout son souci depuis lors est de ranimer la guerre entre son père et son mari, et, comme elle est magicienne, elle leur jette un sort. Chaque nuit elle chante, et à sa chanson les deux guerriers, quittant leur couche, se cherchent dans les ténèbres l’épée au poing, et se battent jusqu’au jour. Une variante de cette fable nous donne le nom de Gudruna au lieu de celui de Hilldr. Nous retrouvons ici les élémens principaux des faits que nous cherchons, mais Hilldr n’est encore qu’un vague profil d’Ildico.

De Hilldr la Danoise, nous passerons à Hildegonde, dont j’essaierai de reconstruire l’histoire à l’aide des monumens de toute sorte que la tradition me fournit, et je commencerai mon récit au moment où la fille du roi Herric, la blanche perle de Burgondie, remise comme otage