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cipes de la justice et de l’équité. » Le principe du rachat facultatif prévalut donc sur celui de la spoliation pour toutes les ventes seigneuriales, comme avait déjà prévalu pour toutes les charges de magistrature achetées et transmissibles le principe d’une indemnité pécuniaire à payer par l’état lui-même. Si le développement de la crise révolutionnaire fit bientôt perdre aux anciens propriétaires d’offices le bénéfice de cette indemnité, l’honneur d’en avoir reconnu la justice reste à l’assemblée qui la proclama dès le début de sa carrière, au milieu des plus grands embarras financiers et presque sous l’imminence de la banqueroute.

Une transformation analogue à celle qui avait prévalu pour la propriété foncière s’opéra dans la même mesure et avec les mêmes ménagemens dans l’ordre de la propriété mobilière, qui se divise en deux branches : la propriété des capitaux et celle du travail.

Avant la révolution française, la propriété des capitaux était étroitement limitée dans son action : l’emploi productif de l’argent en nature n’était en effet permis qu’à titre perpétuel et par constitution de rente. Le décret du 3 octobre 1789 rendit à l’usage du numéraire son entière liberté, et le prêt temporaire avec intérêt fut pour la première fois légalement consacré. La propriété créée par le travail se présentait sous divers aspects : dans la sphère de l’industrie, elle était régie par les lois des maîtrises et des jurandes ; dans la sphère du commerce intérieur, elle était dominée par le régime des communautés ; dans celle du commerce extérieur, par celui de la concession ; enfin le travail intellectuel proprement dit était placé sous la loi des censures et des privilèges du roi. Tous ces obstacles disparurent, et la propriété issue du travail personnel fut constituée dans sa plénitude et son indépendance en face de la propriété formée par l’héritage. L’assemblée nationale réalisa en une heure ce qu’avait vainement tenté Turgot durant le cours de sa vie. Dans le titre préliminaire de la constitution, elle déclara que « les brevets et lettres de maîtrise, les droits perçus pour la réception des maîtrises et jurandes et tous les privilèges de profession étaient supprimés ; » mais, comme le fait judicieusement remarquer M. Laferrière, à côté de la suppression des maîtrises et jurandes, elle plaça, suivant sa constante jurisprudence, le principe d’indemnité en faveur de ceux qui avaient acheté leurs maîtrises.

L’émancipation du travail amena, comme conséquence immédiate, une participation proportionnelle de la propriété créée par lui aux charges de droit commun. L’impôt des patentes fut décrété ; il vint compléter le grand système destiné à saisir, par ses deux branches principales, toutes les facultés imposables. Les innombrables impôts qui frappaient la terre ou les personnes furent remplacés par une contribution directe, divisée en foncière et en mobilière pour correspondre