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Quoi qu’il en soit, la paix dans les relations internationales et la stabilité intérieure sont d’assez grands biens pour qu’on n’ait point heureusement à en redouter l’augure. Seulement elles ont leurs conditions, et l’une et l’autre se tiennent au fond plus qu’on ne pense. Ce qui fait que nous aimons à croire au maintien de l’ordre général en Europe, c’est qu’il est dans les besoins, dans les instincts, dans les tendances des peuples. Que le premier coup de canon retentisse sur le continent, quel est le gouvernement assuré de sortir intact de cette mêlée sanglante ? Quelle est la société, parmi toutes les sociétés européennes, qui peut se promettre d’affronter sans péril cette extrémité, en mettant même à part le hasard des batailles ? On sait d’où l’on part, sait-on où l’on va ? Chacun, nous en sommes sûrs, s’arrêterait plein d’émotion devant cet inconnu, qui serait aujourd’hui plus que jamais l’inconnu. Nul, il faut en convenir, n’a un grand goût à la guerre. Aussi a-t-on pu voir l’immense effet produit par ce simple mot du prince Louis-Napoléon à Bordeaux : « L’empire, c’est la paix ! » Aussi s’est-on hâté de considérer comme une confirmation de cette parole la réduction de trente mille hommes opérée dans notre armée. Ce n’est point sans doute le désarmement de la France : les cadres de nos forces militaires subsistent ; mais enfin licencier une partie de l’armée, cela veut dire apparemment qu’on n’est point dans le dessein de s’en servir au premier jour. La réduction de notre contingent militaire a un double résultat : elle rend trente mille bras à l’agriculture et au travail, et elle est un témoignage effectif, un acte à l’appui d’une parole, sans compter même l’économie qui en doit résulter nécessairement dans le budget. Ce qui fait encore que nous croyons à la paix et à son utilité, c’est qu’elle est la garantie la plus tutélaire et la plus efficace de cet ensemble d’entreprises et d’intérêts que le gouvernement active ou favorise, et dont il prend souvent l’initiative. La paix est nécessaire au commerce, à l’industrie, au crédit, aux travaux de tout genre. Quelques progrès qu’ait faits la prospérité publique depuis un an, il ne faut pas croire qu’elle soit remontée au niveau où elle était avant la révolution de février, et que les transactiops aient retrouvé toute leur activité d’autrefois. Les recettes de l’état en pourraient fournir la preuve en plus d’un point, nous le croyons. Le gouvernement lui-même le sent bien, puisqu’il multiplie les mesures et les stimulans, et qu’il vient de sanctionner en ce moment même la création ou l’agrandissement de deux institutions nouvelles destinées à exercer une immense influence sur le mouvement des affaires.

L’une de ces institutions, c’est la banque foncière. On sait dans quelles conditions cette banque avait été créée ; son action se bornait à la circonscription de la cour d’appel de Paris. Ses bases viennent d’être singulièrement élargies. La banque foncière, sans changer de destination, est transformée aujourd’hui en une banque centrale ; elle est autorisée à étendre ses opérations à toute la France, à la charge d’élever ses prêts hypothécaires au chiffre de deux cents millions, de créer des succursales dans tous les départemens et de fixer l’intérêt au taux uniforme de 5 pour 100, y compris l’amortissement au moyen duquel la dette contractée s’éteindra naturellement en cinquante ans. Nous ne méconnaissons pas quelques-uns des plus sérieux avantages des modifications que vient de subir la banque foncière de Paris.