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deux côtés, et quoique par des motifs différens, le maintien des bons rapports avec la France, bien qu’à tout prendre l’un des membres du cabinet, sir Charles Wood, dans un discours prononcé il y a quelques jours à Halifax, eût pris d’assez singulières libertés à l’égard du gouvernement français.

Ce n’est pas sur une question de ce genre que le cabinet anglais peut se sentir menacé. Il y a, on le sait, en Angleterre une grande latitude laissée aux hommes d’état en tout ce qui touche la politique extérieure. Le peuple anglais se confie en ses chefs, parce qu’il sait que le nom, les intérêts, la prépondérance de la Grande-Bretagne sont partout soutenus, et que les traditions de sa politique ne fléchissent devant aucune considération. Aussi le cabinet actuel peut-être n’a-t-il pas beaucoup à craindre pour le moment d’une discussion sur les affaires étrangères, au moins au point de vue des relations entre l’Angleterre et la France ; mais on n’en est point à remarquer l’intérêt qui s’attache depuis quelque temps aux questions religieuses en Angleterre. Il y a une véritable recrudescence de l’esprit anglican, recrudescence provoquée et encouragée, on peut s’en souvenir, par lord John Russell dans sa lettre à l’évêque de Durham, au sujet de ce qu’on nommait les agressions papales, et qui, par un singulier revirement, se retournera peut-être contre lui. Cet esprit anglican, le cabinet le trouvera en face de lui dans la discussion de son bill sur l’émancipation politique et civile des Juifs, qui vient de traverser heureusement une première épreuve ; il le retrouvera dans la proposition déjà faite de supprimer l’allocation du séminaire catholique de Maynooth ; il le retrouvera dans l’affaire des réserves du clergé au Canada, au sujet de laquelle M. Frédéric Peel, le fils de l’illustre sir Robert, vient de déposer une proposition. Or cet esprit anglican, c’est l’arme la plus redoutable du parti tory, et il est permis de croire que lord Derby s’en servira habilement contre le ministère. Ce qui peut être encore un nouvel et singulier embarras pour le cabinet, c’est si les gouvernemens du continent se décident, comme on l’assure, à lui demander l’expulsion des principaux chefs de l’émigration révolutionnaire, de MM. Kossuth et Mazzini notamment. L’Angleterre a l’orgueil de l’hospitalité, qu’elle donne à tous les réfugiés ; mais encore faut-il que de cet asile hospitalier ne sortent point toutes les excitations à la guerre et à des révolutions nouvelles.

Ce n’est point là, au surplus, la seule difficulté que les événemens de Milan laissent après eux. On connaît les suites de ce coup désespéré de quelques insensés enivrés de prédications démagogiques. Une telle tentative ne pouvait indubitablement offrir aucune issue favorable aux susceptibilités nationales que peuvent nourrir des cœurs italiens ; elle ne pouvait qu’amener le résultat qu’elle produit en effet, un redoublement de rigueur de la part des autorités autrichiennes. Tel est, dans la vie intérieure de la Lombardie, l’effet le plus clair du coup de main organisé par cette occulte démagogie dont M. Mazzini est le pontife : c’est la masse de la population paisible et étrangère à ces événemens qui paie aujourd’hui pour quelques révolutionnaires. Mais cette affaire de Milan ne laisse pas d’avoir des conséquences plus graves encore à un autre point de vue. Les mesures de défense prises par l’Autriche ne s’appliquent pas seulement à la Lombardie, elles s’étendent à la Suisse, qui porte le poids de bien des complicités révolutionnaires. Depuis quelque