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les journaux français sont très rares aux États-Unis, d’où il résulte que les Américains sont souvent aussi mal renseignés sur nos affaires que nous le sommes sur les leurs, ce qui est beaucoup dire. Enfin il y a la bibliothèque de la Société historique ; celle-ci est véritablement importante, car elle contient une collection très considérable de tous les ouvrages qui se rapportent à l’histoire des États-Unis. On est étonné que ce pays nouveau ait déjà tant de matériaux d’histoire. La société possède un certain nombre de manuscrits et une grande quantité de journaux anciens publiés avant, pendant et depuis la guerre de l’indépendance. Les journaux sont pour l’histoire des siècles modernes ce que sont les chroniques pour l’histoire du moyen âge, et, comme elles, ils sont souvent plus instructifs encore par le tableau des opinions et des passions d’un temps que par les faits qu’ils racontent ; les faits sont altérés par l’esprit de parti, mais l’esprit des différens partis est lui-même le fait le plus important à étudier pour l’historien d’un peuple libre. Nulle part les journaux ne renferment plus d’exagérations et de mensonges qu’aux États-Unis ; mais ces exagérations sont la représentation exacte, ces mensonges sont la peinture vraie des préjugés d’un grand nombre d’hommes. On a dit que l’histoire des erreurs serait la plus intéressante des histoires, et je le croirais volontiers, car l’erreur tient dans ce monde infiniment plus de place et joue un beaucoup plus grand rôle que la vérité. Bayle avait conçu le plan d’un Dictionnaire des Erreurs ; mais le sujet lui sembla trop vaste, et il désespéra de l’embrasser. Il faut reconnaître qu’à côté de toutes les inexactitudes qui remplissent les journaux américains, il s’y trouve un assez grand nombre de renseignemens positifs. Je n’en ai presque jamais ouvert un sans y apprendre quelque chose. D’ailleurs les anciens journaux des colonies anglaises sont plus véridiques, et offrent souvent la peinture naïve des mœurs et de l’opinion d’alors. On en est si convaincu ici, qu’il est question en ce moment de faire pour les journaux, qui sont les chroniques et parfois les légendes du passé américain, ce qu’on fait en Europe pour les chroniques ou les légendes de notre passé. On propose, et cette proposition ne me semble pas déraisonnable, de rédiger une table méthodique des journaux réunis dans la bibliothèque de la Société historique, travail de bénédictin appliqué à ces archives d’un nouveau genre, et très propre à faciliter les recherches d’où pourront sortir les annales complètes d’une nation qui commence, et qui, pour se connaître, a déjà besoin d’érudition. Les matériaux de ces annales sont épars dans une quantité innombrable d’histoires locales d’états, de villes, d’institutions, dans des biographies, des mémoires, des correspondances, et cet ensemble n’est pas sans importance et sans intérêt, depuis les conjectures sur les anciens ha-bitans de l’Amérique du Nord qui avaient disparu entièrement à la