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œuvre moins vaste que hardie, dont le couronnement était la consécration de la paix du monde après des épreuves sans exemple.

Un homme se rencontra pour prendre l’anarchie corps à corps, à la tribune et dans la rue, et pour faire remonter le courant à ce gouvernement en dérive. Inférieur à son prédécesseur par la culture de l’esprit et l’agrément du commerce habituel, il le dominait de toute la distance qui sépare les convictions viriles des velléités impuissantes - et l’ambition de la victoire de la vanité du succès. Souverainement dédaigneux des applaudissemens populaires, ce qui lui plaisait dans le pouvoir, c’était la lutte, et il mettait toutes ses passions au service de ses desseins. Dans l’implacable ardeur avec laquelle il poursuivit les ennemis de la paix publique, on sentait se mêler aux héroïques colères de l’homme d’état quelque chose de l’âpreté du banquier et des angoisses du négociant. Il fut l’homme d’une crise plutôt que d’un système politique ; sa main pesa durement sur la royauté chaque fois qu’il crut y trouver un obstacle. On aurait dit qu’il mettait en état de siège tous les pouvoirs en même temps que toutes les factions. Peu préparé par sa vie antérieure aux spéculations diplomatiques, son esprit dépassait rarement la frontière ; mais lorsqu’il venait à soupçonner qu’on pouvait dédaigner à l’étranger le gouvernement qu’il couvrait de son corps, il ne s’inquiétait plus de faire courir des chances à la paix, quoiqu’elle fût sa pensée la plus constante. Il entrait en Belgique en face de la Prusse, il s’emparait d’Ancône contre l’Autriche, tout prêt à fondre sur l’Europe comme sur l’émeute. Casimir Périer voulait la paix de toute l’énergie de son âme, parce que, ministre d’une monarchie, il ne se croyait pas obligé de faire les affaires de la république en engageant son pays dans des entreprises dont l’issue probable aurait été l’établissement d’une dictature démocratique et militaire ; mais il avait en même temps une idée si haute du service qu’il rendait à l’Europe en imprimant un cours régulier à la révolution de juillet, qu’il croyait la France en mesure de vendre la paix plutôt que de l’acheter.

« Les principes que nous professons, disait-il en abordant la tribune après la formation du ministère du 13 mars, et hors desquels nous ne laisserons aucune autorité s’égarer, sont les principes même de notre révolution. Or ce principe, ce n’est pas l’insurrection, mais la résistance à l’agression du pouvoir. On a provoqué la France, on l’a défiée, elle s’est défendue, et sa victoire est celle du bon droit indignement outragé. Le respect de la foi jurée, le respect du bon droit, voilà donc le principe du gouvernement de juillet, voilà le principe du gouvernement qu’elle a fondé, car elle a fondé un gouvernement, et non pas inauguré l’anarchie. Elle n’a pas bouleversé l’ordre social, elle n’a touché qu’à l’ordre politique. La violence ne