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ADELINE PROTAT.

que le résumé succinct, dans lequel on trouvera cependant ce que voulait y trouver celui qui la provoquait, c’est-à-dire l’explication du mystérieux caractère de notre petit personnage.

On se souvient dans quelles circonstances Zéphyr avait été recueilli par le bonhomme Protat, qui, on a pu le voir assez souvent dans ce récit, laissait passer peu d’occasions sans se plaindre du méchant cadeau que lui avait fait la Providence en lui mettant sur les bras un enfant chétif et mal venu, ainsi que l’était en réalité l’abandonné qu’il avait trouvé dans la neige au milieu de la route. La beauté ou la grâce, chez les enfans comme chez les grandes personnes, est un aimant naturel qui attire la sympathie même des étrangers, même des passans. La piteuse apparence de l’orphelin lui nuisit tout d’abord dans l’esprit de son père adoptif. Dès le premier jour où il l’avait confié à une paysanne qui nourrissait et gardait les enfans, le sabotier s’était senti mortifié par la mauvaise grâce avec laquelle cette femme avait consenti à prendre ce petit monstre. Son amour-propre était froissé de l’éloignement que Zéphyr paraissait causer aux autres enfans du pays, et chaque fois qu’il lui arrivait de faire une dépense pour l’entretien de l’orphelin, en lâchant ses écus il ne manquait jamais de dire entre ses dents : — Voilà un marmot qui me coûte gros et qui ne me fait guère honneur.

Le père Protat était de cette nature d’honnêtes gens qui, à leur insu, résument tout dans un total, qu’un premier mouvement généreux pousse à faire une bonne action, mais qui, l’action faite, considèrent ensuite quel profit ils en pourront retirer. Sans qu’il s’en aperçût lui-même, il arriva que Protat traita le petit Zéphyr comme l’enfant était traité par les gens du pays, sans dureté cependant, mais aussi sans aucune attention qui pût faire établir dans les premières réflexions de l’orphelin une différence entre la maison de son père adoptif et la rue. Doué nativement d’un grand fonds de sensibilité à laquelle s’unissait une grande timidité, Zéphyr éprouvait ce besoin de caresses et de soins naturel aux enfans. Si ignorant qu’il fût de sa position, un vague pressentiment lui disait que ce n’était point l’air de la famille qu’il respirait dans cette maison. Les rares tentatives qu’il avait faites pour quêter quelque cajolerie de son père adoptif avaient été accueillies par celui-ci avec indifférence, pour ne pas dire repoussées. Aussi Zéphyr s’était-il abstenu de toute démonstration caressante, et se tenait-il dans son coin, les yeux dans les cendres quand il était au logis, les yeux au ciel quand il était dehors. Sans comprendre que c’était sa froideur qui causait le silence du petit garçon, Protat l’accusait alors du soin qu’il prenait à chercher l’isolement.

— C’est un sournois, disait-il : tout petit qu’il est, il devrait déjà