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cause. Décrets de prise de corps contre les curés qui refusent la sépulture aux jansénistes, excommunication des parlemens par les évêques ; des prêtres tonnant du haut de la chaire contre des magistrats, ceux-ci contraignant par huissier des prêtres à porter les sacremens ; le parlement de Paris faisant brûler le même jour, par le bourreau, le Dictionnaire philosophique de Voltaire et une instruction pastorale de l’archevêque de Paris, et cela au milieu de controverses ridicules dont profitent les philosophes du temps pour déconsidérer la religion : tel est le spectacle qui compose la plus grande partie de l’histoire de France sous Louis XV.

Au milieu de ces querelles, que devient la royauté ? Absolue de nom, impuissante de fait, elle s’irrite, sévit, ou cède sans autre règle que l’accident de chaque jour et la fortune momentanée du combat. Si elle agit contre les évêques, ils ferment les portes des églises et suspendent l’administration des sacremens ; si elle veut réprimer les parlemens, ils suspendent l’action de la justice et infligent à la société une paralysie périodique. L’embarras de la royauté est bien rendu dans ce tableau d’intérieur que nous a laissé Mme du Hausset dans ses Mémoires. « Un jour, dit-elle, le maître (Louis XV) entra tout échauffé. Je me retirai, mais j’écoutai de mon poste. — Qu’avez-vous ? lui dit Madame (Mme de Pompadour). — Ces grandes robes et le clergé, répondit-il, sont toujours aux couteaux tirés ; ils me désolent par leurs querelles ; mais je déteste bien plus les grandes robes. Mon clergé, au fond, m’est attaché et fidèle : les autres voudraient me mettre en tutelle. — La fermeté, lui dit Madame, peut seule les réduire. — Robert de Saint-Vincent est un boute-feu que je voudrais pouvoir exiler, mais ce sera un train terrible. D’un autre côté, l’archevêque est une tête de fer qui cherche querelle. — M. de Gontaut entra… Le roi se promenait agité ; puis tout d’un coup il dit : — Le régent a eu bien tort de leur rendre le droit de faire des remontrances : ils finiront par perdre l’état. — Ah ! sire, dit M. de Gontaut, il est bien fort pour que de petits robins puissent l’ébranler. — Vous ne savez ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, reprit le roi : c’est une assemblée de républicains. En voilà au reste assez ; les choses comme elles sont dureront autant que moi… » Les choses dureront autant que moi, tel était déjà le nec plus ultra de l’ambition d’un souverain en France. Aujourd’hui un gouvernement qui durerait la vie d’un homme est un phénomène que nous ne connaissons plus. Du reste Louis XV ne se trompait pas en considérant l’opposition des parlemens comme bien plus dangereuse que celle du clergé : par son caractère, sa forme, ses accidens, ses caprices, cette opposition fut au XVIIIe siècle le dissolvant le plus actif de la monarchie.

On sait généralement comment se passaient les choses à Paris quand