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dissensions qui énervent les âmes, obscurcissent la mâle et simple notion du devoir, et risquent si souvent de donner aux courages une fausse impulsion, nos soldats en Afrique poursuivent la plus difficile des œuvres, celle aussi qui est le plus remplie d’héroïsme sans mélange, ils n’ont point de ces momens de doute si fréquens dans les révolutions, où il faut un effort prodigieux pour distinguer ce que le patriotisme commande. Pour eux, il n’y a point de choix à faire ; la route est droite et simple, et ils peuvent tomber au bout avec cette héroïque sérénité du général Bouscarin, faisant crier à ses soldats, au moment où la balle l’atteignait : « Vive la France ! » Laghouat violemment emportée, Abd-el-Kader au même instant faisant route vers Brousse, où il doit, comme on sait, vivre interné, — ne sont-ce pas là des gages de sécurité que l’année 1852 laisse à l’Algérie ? En réalité, cette conquête de l’Afrique est une des plus grandes entreprises auxquelles la France se soit attachée depuis longtemps. Elle y aura trouvé un champ d’activité, une pépinière de soldats, un empire nouveau qu’elle donnera plus tard à la civilisation. Le doute n’est plus permis aujourd’hui, en effet, sur la convenance de la civilisation de l’Afrique. L’œuvre actuelle, comme nous le disions, c’est de faire fructifier tous les sacrifices faits sur cette terre, et c’est aussi ce qui nous reste à accomplir. La conquête par les armes, c’est déjà le passé ; la conquête par l’instruction religieuse et morale, par le travail, par le commerce et l’industrie, c’est l’avenir et l’inconnu. Combien de générations s’y useront encore et quel sera le résultat ? C’est là le mystère ; mais nulle part n’éclate mieux à coup sûr la nécessité d’une action suivie, persistante, émanant d’un gouvernement stable. Eh bien ! au point de vue de cette stabilité intérieure du gouvernement, comme sous le rapport de la situation matérielle et financière du pays, que laisse encore après elle l’année 1852 ? Dans l’ordre politique, rien ne peut mieux dessiner, à ces derniers instans, le mouvement réel accompli en France que les récens sénatus-consultes venus à l’appui du rétablissement de l’empire et le rapport de M. Troplong qui accompagne l’un d’eux. D’une part, l’empereur a choisi dans sa famille l’héritier éventuel qui lui doit succéder en cas d’absence d’héritier direct ; le successeur désigné est le prince Jérôme, qui fut roi de Westphalie. D’un autre côté, un second sénatus-consulte résume et consacre les changemens apportés à la constitution du 15 janvier 1852. Ces changemens ne modifient pas sensiblement sans doute le mécanisme et les ressorts de la loi politique qui régit la France ; cette constitution elle-même n’était autre chose que l’organisation et la forme de l’empire, moins le nom. Les modifications actuelles ne font évidemment que développer la même pensée, en Investissant l’autorité souveraine de plus hautes prérogatives. Ces modifications touchent principalement à trois points essentiels : l’une d’elles attribue au chef de l’état le droit de signer des traités diplomatiques ou commerciaux, et même de changer les tarifs de douane sans la ratification législative. Jusqu’ici, depuis la fondation du régime constitutionnel en France, les chambres avaient eu le droit d’intervenir en ces matières, — droit contesté par te gouvernement sous la restauration, reconnu après 1830, démesurément étendu par la république, et aboli aujourd’hui par une interprétation nouvelle, comme cela existait d’ailleurs sous le premier empire. Une autre disposition du sénatus-consulte fait passer dans le domaine du décret l’exécution