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On sait ce qu’a produit dans d’autres pays l’accord de l’esprit d’entreprise et de l’érudition; ou n’a pas oublié quelles magnifiques révélations ont été arrachées aux siècles passés par les fouilles de MM. Lajard et Botta en Assyrie, par les découvertes de M. Fellower en Cilicie et par l’ouverture de tant de tombeaux étrusques. La science archéologique a obtenu, depuis trente ans environ, les plus beaux triomphes; elle a ramené au jour des inscriptions et des monumens tels que sans l’interprétation de l’historien ils étaient à eux seuls et à la première vue des pages d’histoire admirables et tout à fait inattendues. L’impulsion avait sans aucun doute été donnée par l’école historique moderne, à qui la France a fourni quelques-uns de ses plus grands noms. On conçoit que le Danemark, notre dernier et notre plus fidèle allié dans les guerres de l’empire, et qui avait, comme toute l’Europe, applaudi au glorieux et paisible essor de notre littérature nouvelle, ait été épris comme nous et avec nous des grandes découvertes faites en Orient et destinées à renouveler la science. Il s’appliqua comme nous à l’étude féconds des langues et des littératures orientales; Lassen et Westergaard furent associés aux nobles travaux d’Eugène Burnouf. Retrouver les origines de l’Europe moderne, suivre la filiation et les migrations diverses des races qui la peuplent aujourd’hui, tel fut, tel est encore, il faut le dire, le problème à résoudre. D’une solution complète dépendront et la connaissance plus entière du caractère et des institutions de chaque peuple et l’intelligence meilleure de toute son histoire.

Parmi les rares ouvrages qui ont abordé la question dans toute son étendue, il faut citer celui dont M. Schiern, jeune professeur d’histoire à l’université de Copenhague, a publié, il y a quelques mois, le premier volume[1]. M. Schiern ne s’est pas contenté d’étudier scrupuleusement les anciens titres des races dont il veut retrouver les vicissitudes et constater l’identité : il a de plus observé avec une profonde attention leur physionomie actuelle, leurs traits originaux, leurs coutumes nationales, et, remontant du connu à l’inconnu, il a découvert par cette recherche plus d’une trace curieuse du passé. Après un long chapitre sur la race finnoise, dont il croit l’immigration fort ancienne, M. Schiern étudie les destinées des races ibérique et italique, puis celles des Hellènes; il n’a fait dans ce premier volume que raconter l’histoire de quelques populations aujourd’hui fort mêlées; l’ordre chronologique qu’il a adopté amènera dans les volumes suivans les races scandinave, germanique et slave, qui ont mêlé à la civilisation romaine leur génie particulier.

M. Schiern est à peu près le seul des écrivains modernes du Nord qui ait étendu si loin le cercle de ses études ethnographiques. Les autres ont limité leur sujet; négligeant l’archéologie qu’on peut appeler classique, ils ont étudié de préférence celle des peuples que n’a point touchés l’influence des civilisations grecque et latine, et en particulier celle des nations scandinaves. C’était à leurs yeux une œuvre de patriotisme autant que d’érudition pure, et les attaques récentes de l’Allemagne n’ont fait que raviver les souvenirs de la nationalité scandinave qu’il s’agissait de ne pas laisser confondre avec la nationalité germanique. M. Worsaae, inspecteur des monumens

  1. Europas Folkestammer. Historiske Undersögetser og Omrids, af Fred. Schiern. 1 vol. in-8, Copenhague.