Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 1.djvu/218

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Cependant son imagination s’était éveillée : son premier goût pour la poésie se montrait par quelques traductions d’un assez bon style. En même temps il se portait, avec une curiosité qu’il appelle de la fureur, vers les études les plus diverses, mais surtout vers l’histoire, vers la philosophie morale et politique. Quoiqu’il cultivât la logique et la métaphysique, c’est le spectacle de la nature humaine sur le théâtre de la société qu’il aimait à contempler. A tous les poètes et à tous les philosophes il dit qu’il préférait Plutarque.

Il avait dix-neuf ans, lorsqu’il publia sa première composition, et l’on a remarqué qu’il commença comme il devait finir. Il combattit à Dublin l’opposition démocratique, y réfutant un docteur obscur qui avait gagné une certaine importance locale en s’attirant les rigueurs de l’administration. Mais il se destinait au barreau anglais; il était inscrit à Middle-Temple, et, dans l’intention d’y prendre ses grades, il vint à Londres en 1750. Une lettre qu’il écrivit peu après son arrivée est remplie d’une sorte d’enthousiasme. Voici pourtant ce qu’il dit de la chambre des communes, déjà brillante de la rivalité du premier Pitt et du premier Fox : « Il s’y produit souvent des explosions d’une éloquence qui s’élève plus haut que la Grèce et Rome, même dans leurs jours de plus grand orgueil. Cependant un homme après tout y fera plus par les figures de l’arithmétique que par les figures de la rhétorique. » Voilà comme sous Walpole ou Pelham on jugeait l’assemblée du peuple.

Le jeune étudiant s’attacha médiocrement à la loi, et ne poussa pas jusqu’au bout son apprentissage. L’étendue de son esprit et la diversité de ses facultés ne lui permettaient guère de se renfermer dans une étude exclusive. Sa poitrine délicate lui faisait redouter les fatigues de la profession d’avocat. Il y renonça et se jeta dans cette situation indécise, dans cet état de disponibilité universelle qui tente souvent les jeunes gens, et qui peut satisfaire également l’amour comme l’aversion du travail, attirer ceux qui peuvent beaucoup comme ceux qui ne peuvent rien. C’est une phase que les uns traversent pour préparer et découvrir leur aptitude ; les autres y demeurent sous prétexte d’attendre leur jour, et tout en se réservant pour un avenir qui ne vient pas, ils s’habituent au désœuvrement et ne se disposent qu’à la stérilité. La vanité des uns et des autres peut s’y complaire; mais là elle vit d’espérances ambitieuses, ici elle se nourrit des dégoûts de l’impuissance. À ce moment de la vie, pour les esprits doués d’activité, nos sociétés modernes offrent une ressource, c’est la presse périodique. Quand on a de l’esprit dans la jeunesse, on pense à tout; point de sujet sur lequel on n’ait son mot à dire et sa leçon à donner. Or les journaux parlent de tout et font l’éducation de tout le monde, même de ceux qui les rédigent. Burke