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orgueil, et les Français sont encore dans l’enfance sous ce rapport, mais quant aux propriétés intrinsèques des deux climats, il n’hésite pas à donner la préférence au nôtre : cette conviction se reproduit à chaque ligne de son livre.

Et cependant, malgré des exceptions de détail nombreuses sans doute, mais qui ne détruisent pas la règle, l’Angleterre, même avant 1848, était mieux cultivée et plus productive, à surface égale, que le nord-ouest de la France ; la Basse-Ecosse rivalisait au moins avec l’est, et l’Irlande elle-même, la pauvre Irlande, était plus riche en produits que notre midi. Il n’y a que la Haute-Ecosse qui, comme région, soit dépassée par la région correspondante, et ce n’est pas la faute des hommes. Encore est-il possible de trouver, hors du territoire continental, mais toujours dans un département français, l’île de Corse, une contrée comparable à, la Haute-Ecosse pour la valeur actuelle de sa production, malgré l’immense disproportion que la nature a mise entre leurs ressources, et ce n’est pas la seule comparaison qu’il serait facile d’établir entre ces deux pays, tous deux d’un accès si rude, tous deux anciennement habités par une population indomptée de pâtres et de bandits.

Hâtons-nous de dire que si la France est restée ainsi en arrière du royaume-uni, elle est bien en avant des autres nations du monde, excepté la Belgique et la Haute-Italie, qui ont sur elle des avantages naturels. Les causes de cette infériorité relative ne tiennent pas d’ailleurs à notre population agricole, la plus laborieuse, la plus intelligente et la plus économe qui existe peut-être. Ces causes sont multiples et profondes, je me propose de les rechercher; mais auparavant je dois prouver ce que je viens d’avancer. Je suis obligé d’entrer à cet effet dans quelques détails purement agricoles. Je dirai d’abord comment l’agriculture anglaise est plus riche; je me demanderai ensuite pourquoi.


II.

Le trait le plus saillant de l’agriculture britannique comparée à la nôtre, c’est le nombre et la qualité de ses moutons. Il suffit de traverser, même en chemin de fer, un comté anglais pris au hasard, pour voir que l’Angleterre nourrit proportionnellement beaucoup plus de moutons que la France ; il suffit de mesurer d’un coup d’œil un de ces animaux, quel qu’il soit, pour voir qu’ils sont beaucoup plus gros en moyenne, et qu’ils doivent donner plus de viande que les nôtres. Cette vérité, qui saisit en quelque sorte de tous les côtés l’observateur le plus superficiel, n’est pas seulement confirmée par l’examen attentif des faits; elle prend, par cette étude, des